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L'impôt en héritage

 

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L’élection présidentielle a la capacité de mettre en lumière des thèmes que l’on pensait secondaires face aux enjeux que doit relever le pays. Les droits de succession, sujet important mais pas capital, en sont la parfaite illustration, qui ont vu se positionner ces dernières semaines quasiment tous les candidats. Tous estiment, en effet, urgent de réformer cet « impôt sur la mort », objet d’agacements quand on estime que le montant des droits à régler au fisc est bien trop important, voire de franches disputes dans les familles au moment de partager le règlement d’une succession amputée par l’impôt.

Avec seulement 13 % des Français qui bénéficient d’un héritage de plus de 100 000 euros et 40 % qui reçoivent moins de 8 000 euros, une telle réforme ne concernerait certes pas toute la population, mais toucher à l’héritage convoque chez chacun de nous notre rapport au patrimoine familial.

Si petit soit l’héritage que l’on peut toucher ou que l’on veut transmettre à ses enfants, il y a une puissante notion de passation entre génération, qui participe aussi de notre place dans la société. Il y a dans tout héritage un aspect très personnel, intime, affectif lorsqu’il s’agit de s’inscrire dans une continuité familiale. L’héritage, « c’est une manière d’allonger son être » disait Montaigne. Chacun aussi se souvient de la fable de La Fontaine, « Le laboureur et ses enfants ». « Gardez-vous […] de vendre l’héritage que nous ont laissé nos parents. Un trésor est caché dedans », ordonnait le vieil homme sur son lit de mort. Autant dire que l’héritage, fruit du travail d’une vie, de la sueur et du sang de nos parents et grands parents, écrit notre histoire et nos souvenirs. Et voir l’Etat intervenir dans cette transmission pour la ponctionner avec des taux parmi les plus élevés des pays de l’OCDE est pour certains insupportable et injuste.

Mais poser la question de l’héritage c’est aussi soulever celle de l’inégalité devant le patrimoine – bien supérieures à celles des revenus du travail selon le Conseil d’analyse économique (CAE) – ou encore celle des niveaux de taxation du travail et du capital. Ceux qui ont les patrimoines les plus importants savent d’ailleurs jouer de l’optimisation pour payer le moins possible de droits de succession. C’est la raison pour laquelle les propositions des candidats à la présidentielle sont particulièrement clivées entre la gauche et la droite. À droite, la priorité est d’alléger au maximum les droits de succession, voire de les supprimer et de faciliter les donations. À gauche, l’allègement ne serait réservé qu’aux classes moyennes, les plus aisés se voyant surtaxés. « Au-delà de 12 millions, je prends tout », martèle Jean-Luc Mélenchon.

Entre ces deux extrémités, entre ce « tout ou rien » se dessine certainement un juste milieu, une réforme vertueuse et conforme à la nécessaire solidarité nationale, dont les grandes lignes déjà ont été proposées par le CAE et des économistes. Une réforme qui permette à tous les Français de se constituer et de transmettre un patrimoine plutôt que ce ne soit que l’impôt qui soit en héritage…

(Edtorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 14 février 2022)

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