Depuis plusieurs semaines, les prix des carburants ont entamé une hausse qui bât des records historiques. Le litre de super, voire de gazole, frôle les 2 € et a, en tout cas, dépassé les niveaux atteints à l’automne 2018 où, déjà, une augmentation des prix à la pompe avait nourri le mouvement de colère des Gilets jaunes. Plus de trois ans après, la situation ne semble pas s’être améliorée. Conséquence d’une demande mondiale en pétrole qui est repartie à la hausse avec la reprise économique – après des mois de perturbations dus à l’épidémie de Covid – et d’une offre qui ne suit pas complètement, le prix du baril explose et finit par se répercuter sur la facture finale payée par le consommateur. Certains experts tablent sur des problèmes d’approvisionnement qui pourraient durer toute l’année 2022… Et contrairement à 2018, la situation est cette fois davantage tendue en raison du retour de l’inflation.
Face à cette situation, les gouvernements doivent jouer sur deux tableaux.
Le premier, de court terme, consiste à soulager les ménages pour lesquels le poste carburants est l’un des plus importants de leur budget, particulièrement lorsqu’ils n’ont aucune autre alternative pour se déplacer que d’utiliser leur voiture, spécialement dans les territoires ruraux isolés. Pour faire baisser le prix final du litre d’essence, le gouvernement a opté pour un chèque énergie, un dispositif complexe mais moins dispendieux pour les caisses de l’Etat que la taxe flottante qu’avait mise en place Lionel Jospin. Le géant Total, dont le résultat net ajusté a quintuplé à 6,8 milliards de dollars au quatrième trimestre contre 1,3 un an plus tôt, a, lui, décidé d’octroyer une ristourne de 5 € pour un plein de 50 litres, 2 € pour 20 litres. Une aumône pour certains candidats à la présidentielle qui veulent bloquer les prix ou baisser les taxes. On verra quelle sera la réforme de la fiscalité des carburants qui sera mise en œuvre dans le prochain quinquennat.
Le deuxième tableau sur lequel l’exécutif devra jouer est autrement plus complexe car il s’agit de préparer la France à une vraie révolution européenne des transports : l’abandon des voitures thermiques et le grand basculement vers des voitures électriques. Le plan Fit for 55 (Ajustement à l’objectif 55) présenté par la Commission européenne en juillet dernier souhaite qu’en 2035, les voitures n’émettent plus de CO2, ce qui revient à ne plus vendre de voitures thermiques essence ou diesel. Il reste donc un peu plus d’une décennie pour faire basculer les Européens vers la voiture électrique.
Un défi colossal qui va supposer des investissements majeurs pour créer et recycler les batteries, faire baisser le coût aujourd’hui élevé des véhicules électriques et créer un réseau de bornes de recharge actuellement anémique, particulièrement hors des agglomérations et des grands axes. Avec une inconnue de taille : si l’on sera bien sorti de notre dépendance au pétrole, rien ne dit que le « plein » d’électricité ne connaîtra pas lui aussi des variations de prix…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 18 février 2022)