Dans le monde de l’après-Covid que tout le monde attend impatiemment et qui peine encore à émerger, un secteur illustre particulièrement les bouleversements à venir parce qu’il a sans doute été le plus touché par la pandémie : l’aviation. Aujourd’hui, à l’heure où il faut imaginer la suite, le secteur aérien est sans doute celui qui doit relever le plus de défis, socio-économiques, environnementaux, industriels et technologiques.
Socio-économique en premier lieu car l’aérien a payé un très lourd tribut au Covid-19 qui a cloué au sol les avions dès mars 2020. Que ce soit pour les compagnies aériennes qui ont subi une chute historique du trafic aérien – – 66 % de baisse, du jamais vu depuis les attentats du 11-Septembre – ou les constructeurs qui ont enduré l’annulation de commandes. Pour tous les métiers qui, de près ou de loin, travaillent pour l’aérien, le choc a été redoutable et, sans doute, les aides publiques en France – chômage partiel, prêts garantis par l’Etat et plan de soutien à la filière aéronautique (15 milliards d’euros mobilisés) – ont permis d’éviter un crash socio-économique pour les quelque 300 000 emplois directs et indirects dans notre pays. La situation s’améliore ; le géant européen Airbus retrouve des commandes et ré-embauche. Mais le secteur reste fragile pour affronter les défis à venir.
L’environnement constitue justement pour l’aviation un défi de taille du monde d’après : comment réinventer l’avion pour les années à venir ; comment tenir l’objectif de réduire de 45 % des émissions de CO2 de tous les vols domestiques et au départ de l’UE d’ici 2030 ; comment rendre les aéroports plus verts, mais aussi comment inscrire ces préoccupations dans les nouvelles réflexions sur les mobilités entre ceux qui prônent la sobriété absolue en supprimant certains vols au profit du train – encore faut-il que les lignes ferroviaires existent – et ceux qui veulent permettre à tous la possibilité de voyager à coût raisonnable ?
Pour assurer l’équilibre économique du secteur et répondre aux enjeux environnementaux qui n’étaient pas par le passé sa priorité, le secteur aérien doit donc innover, retrouver cet esprit pionnier qui a toujours été sa marque, cette audace qui a fait passer pour des fous Clément Ader ou les frères Wright, Alberto Santos-Dumont ou Charles Lindbergh. L’avion « zéro émission », électrique ou à hydrogène, l’usage de biocarburants ou de kérosène de synthèse et demain, qui sait, l’avion solaire cher à Bertrand Piccard.
L’explorateur suisse, qui fut l’an dernier le parrain du forum Le Monde nouveau organisé par le Groupe Dépêche, exhorte le secteur aérien à sortir de ses habitudes, à rompre avec les conservatismes pour imaginer dès maintenant l’aviation de demain. La « déclaration de Toulouse » qui doit être signée par les acteurs européens peut constituer une étape importante, le signal d’une nouvelle ère.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 3 février 2022)