À un mois et demi du premier tour de l’élection présidentielle il est maintenant temps que le président de la République, dont la candidature à un second mandat est un secret de Polichinelle, arrête de jouer avec nos nerfs, cesse de tergiverser et mette sans plus attendre un terme à ce faux suspense en se déclarant officiellement candidat. On peut comprendre que le Président sortant ait voulu, comme certains de ses prédécesseurs, rester dans les habits du chef de l’Etat le plus longtemps possible, en surplomb d’une précampagne qui ne passionne pas (encore) les Français. Ces derniers, à raison, pointent la médiocrité de certains des impétrants, l’omniprésence étouffante de l’extrême droite à la télévision, les polémiques à répétition sur des questions identitaires ou secondaires, les sempiternelles petites phrases montées en épingle ou le feuilletonnage des ralliements et des trahisons des uns et des autres. Autant de bruits médiatiques et de politique politicienne qui empêchent de parler des priorités que les Français listent depuis des semaines, de sondage en sondage : le pouvoir d’achat, la santé et l’environnement.
En n’entrant pas en lice, en ne descendant pas dans l’arène démocratique par excellence que constitue l’élection suprême, Emmanuel Macron fige la campagne et laisse non seulement accroître l’idée qu’il fuirait le débat, nécessaire, sur le bilan de ses cinq années au pouvoir, mais aussi que, fort d’intentions de vote qui le placent en favori du scrutin, il voudrait finalement enjamber la campagne, snobant ses adversaires, pour obtenir un nouveau mandat comme par tacite reconduction.
À l’heure où le risque d’abstention s’annonce historiquement élevé, où de nombreuses enquêtes montrent que certains de nos concitoyens font sécession avec notre système démocratique, se mettant en marge de la cité pour ne pas dire de la société, il est temps de retrouver le sens du débat et pour le chef de l’Etat de se montrer à la hauteur de l’enjeu démocratique qui attend le pays. Les prétextes de la crise sanitaire ou de la crise russo-ukrainienne pour différer son annonce officielle de candidature ne tiennent plus. À une semaine de la fin de la collecte des parrainages, Emmanuel Macron doit faire preuve de clarté, de responsabilité, de respect des électeurs même, en s’engageant pleinement dans la campagne électorale qui n’attend plus que lui, et dire pourquoi il sollicite un nouveau mandat.
Car une fois sa déclaration faite – peu importe d’ailleurs sous quelle forme – il restera cinq semaines pour enfin parler du fond dans une campagne qu’on espère la plus digne possible. Les Français doivent pouvoir comparer sereinement les différents projets des candidats, être entendus et compris par ceux qui aspirent à les représenter et dessiner ainsi la France qu’ils souhaitent pour les cinq ans qui viennent.
(Editorial publié dans La Dépêche du jeudi 24 février 2022)