Ce n’est pas la première fois que la renationalisation des autoroutes s’invite dans le débat public. Avant chaque 1er février, date de révision des tarifs selon les contrats signés entre l’Etat et les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA), le débat refait surface. Cette année n’échappera pas à la règle d’autant plus qu’elle intervient dans un contexte social et politique tendu. D’un côté, les Français sont confrontés à un retour de l’inflation, à la flambée des prix à la pompe qui semble ne pas pouvoir s’arrêter de sitôt. Et de l’autre la campagne électorale pour la présidentielle suscite de la part des candidats de nombreuses propositions pour redonner du pouvoir d’achat aux Français, dont la renationalisation.
Mais si cette hausse de 2 % en moyenne, appliquée aujourd’hui par les quelque 23 sociétés privées qui gèrent 9 000 kilomètres d’autoroutes sur 12 000 existants, passe si mal, c’est parce qu’elle est la plus importante depuis 2012. L’an passé elle n’était que de 0,44 % ; les concessionnaires ayant répondu partiellement à l’appel à la modération que le gouvernement avait lancé après la crise des Gilets jaunes – celle-là même qui avait vu incendiés quelques péages… Las, après deux années, retour à des hausses sans « ristourne ».
Les sociétés d’autoroutes auraient tort de ne pas en profiter car elles sont tout simplement dans leur bon droit, profitant à fond des clauses de contrats de concessions signés en 2006 par Dominique de Villepin (pour 14,8 milliards d’euros) puis révisés en 2015 par un gouvernement dont le ministre de l’Economie était un certain Emmanuel Macron. Des contrats qui leur sont très favorables et qui leur ont permis ces dernières années de réaliser des bénéfices records, faisant des autoroutes de véritables poules aux œufs d’or pour les actionnaires de ces grands groupes avec 20 à 24 % de marges. Et gare à l’Etat s’il veut tenter de réguler les tarifs. En 2015, Ségolène Royal souhaitait un gel des prix… mais en contrepartie, l’État a dû accepter de compenser intégralement ce gel par des hausses de tarifs additionnelles ultérieures, les 1er février de chaque année de 2019 à 2023… Au final, le « gel » ponctuel aura entraîné un surcoût de 500 millions d’euros pour les usagers, selon les évaluations de l’Autorité de régulation des transports ferroviaires et routiers (Arafer).
La renationalisation que proposent plusieurs candidats à la présidentielle et qui recueillait en octobre dernier l’approbation de 87 % de Français, serait-elle une bonne chose ? La rupture des contrats de concessions – que certains experts jugent mal rédigés – qui courent jusqu’entre 2031 et 2036 obligerait l’Etat à verser aux sociétés de lourdes indemnités (15 milliards d’euros). À cela s’ajouterait « la reprise de la dette des sociétés concessionnaires, soit 30 milliards d’euros incluant les obligations d’investissements et de travaux prévus dans les contrats d’origine », souligne une étude de l’Ifrap, qui ajoute ensuite le coût annuel d’entretien du réseau autoroutier (1,6 milliard). Au final, la renationalisation serait donc potentiellement très coûteuse pour l’Etat.
Entre le statu quo de plus en plus intenable et une très chère renationalisation, une remise à plat s’impose avec de nouvelles mesures, à commencer par une nouvelle formule d’indexation du tarif des péages.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 1er février 2022)