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Voilà une polémique que personne n’avait vu venir et qu’on n’attendait pas. Celle qui a déclenché un tollé chez les auto-entrepreneurs, après que le gouvernement a tenté de modifier leur seuil d’assujettissement à la TVA dans la loi de finances 2025 pour escompter de nouvelles recettes fiscales ; afin de combler le déficit public abyssal et résorber une dette qui dépasse les 3 000 milliards d’euros.

Polémique surprenante à deux titres. Le premier est que depuis sa nomination à Matignon, François Bayrou s’est posé en chantre des territoires, lui, l’élu local à la longue carrière, qui a décidé de conserver son mandat de maire de Pau en plus de ses fonctions de Premier ministre et qui rappelle sans cesse sa proximité avec « le terrain ». Un ancrage mis en avant à l’envi pour marquer le contraste avec les précédents gouvernements macronistes, plutôt très parisiens et souvent très « technos » ; et donc supposément déconnectés de la réalité de la « France d’en bas. »

Comment dans ces conditions, le gouvernement Bayrou n’a-t-il pas mesuré combien les auto-entrepreneurs sont très nombreux et très présents dans le quotidien des Français ? Combien ils interviennent dans de multiples domaines – dans le nettoyage, la vente, le bâtiment ou le transport –, répondent à des attentes, permettent à certaines personnes d’avoir une activité d’appoint ou de se lancer et créent du lien social ? Et combien assujettir quelque 200 000 d’entre eux à la TVA conduisait à bouleverser non seulement leur activité mais aussi la vie des Français ?

La seconde erreur du gouvernement Bayrou, plus politique que sociétale, est qu’en voulant s’attaquer aux auto-entrepreneurs pour récupérer quelque 400 millions d’euros – une somme modeste par rapport au Budget de la France – il s’en est pris à une disposition largement défendue par Emmanuel Macron. Si le régime de la micro-entreprise remonte à 2003 et si le régime de l’auto-entrepreneur découle de la loi de modernisation de l’économie (LME) de 2008, ce dispositif colle avec l’ADN du président de la République, arrivé à l’Elysée en 2017 avec la volonté de libérer le travail et les initiatives entrepreneuriales, notamment pour les plus modestes. Le projet gouvernemental a même réussi la performance de réunir en défense des auto-entrepreneurs Jean-Luc Mélenchon et Gabriel Attal. Le premier fustigeant une attaque contre des Français modestes, le second défendant « l’esprit d’entreprise » qui serait freiné si la mesure était maintenue.

Face à ce qu’il faut bien appeler un couac, le gouvernement a reculé, suspendu la réforme jusqu’au 1er juin et demandé à la ministre du Commerce, Véronique Louwagie, de conduire une concertation. Si la réforme devrait vraisemblablement sauter – Gabriel Attal demandant au gouvernement d’y « renoncer définitivement » – la concertation pourrait en revanche être utile pour mieux évaluer l’impact de l’auto-entreprise par rapport aux autres régimes et sur l’artisanat, corriger des distorsions de concurrence préjudiciables, et, à l’heure de la simplification, apporter des assouplissements. Bref se reconnecter à la réalité du terrain…

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 10 mars 2025)

 

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