En proposant, dès son investiture, de racheter le Groenland au Danemark, puis en faisant pression sur l’Ukraine pour qu’elle signe un accord léonin en faveur des États-Unis pour l’exploitation de ses gisements miniers, Donald Trump a mis sur le devant de la scène, avec la brutalité verbale qui le caractérise, la course mondiale sur les terres rares et les minerais critiques, ce nouvel Eldorado.
Telle la ruée vers l’or à la fin du XIXe siècle dans un Far West où régnait la loi du plus fort, cette course de fond mobilise tous les pays car il en va de leur souveraineté industrielle et de leur capacité à devenir acteurs et non spectateurs dans les nouvelles technologies, des batteries pour les voitures électriques aux éoliennes, en passant par les panneaux solaires, les ordinateurs, les aimants ou les smartphones.
Ces terres rares, qui regroupent dix-sept éléments (scandium, yttrium et les lanthanides) possédant des propriétés physiques et chimiques exceptionnelles, portent d’ailleurs bien mal leur nom puisqu’elles ne sont pas rares en abondance dans la croûte terrestre, mais leurs gisements exploitables, eux, sont rares et souvent très dispersés. Leur faible concentration rend leur extraction complexe, énergivore et, trop souvent, synonyme d’un lourd impact environnemental avec des risques importants de pollution.
L’approvisionnement de ces métaux critiques – les terres rares et d’autres métaux comme le lithium, le graphite ou le titane – essentiels à la haute technologie et à la transition énergétique, est dès lors vulnérable aux aléas géopolitiques. La production de ces métaux est concentrée dans quelques pays qui contrôlent parfois la quasi-totalité d’un minerai. À l’horizon 2030, la Chine contrôlera 54 % de la production des terres rares et 77 % de leur raffinage… On comprend mieux l’empressement de Donald Trump à s’assurer de pouvoir disposer de suffisamment de minerais et pour cela, le président des États-Unis est prêt au bras de fer avec la Chine. Pékin, qui a investi massivement dans des mines au Congo, en Indonésie ou en Malaisie, vient d’ailleurs de répliquer aux taxes douanières américaines par des restrictions d’exportations de cinq métaux essentiels pour l’industrie numérique…
Dans cette bataille mondiale, l’Europe, fortement dépendante de la Chine, cherche aussi à sécuriser ses approvisionnements. Elle mise sur les gisements du Groenland et de l’Ukraine ou négocie des traités de libre-échange avec des pays producteurs en contrepartie de l’ouverture de son marché agricole… Mais l’Europe peut aussi regarder son propre sous-sol comme le fait la France, qui s’est dotée dès 2022 d’une stratégie sur les métaux critiques et s’apprête à entamer un nouvel inventaire de ses ressources minières.
La France avait déjà lancé tel inventaire dans les années 70, mis à jour jusque dans les années 90. Celui-ci portait sur 22 substances correspondant aux priorités de l’époque, mais pas à celles d’aujourd’hui. Doté d’outils de détection plus performants, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) va étudier cinq grandes zones en France jusqu’en 2030. Au terme de cet inventaire, la France devra décider si elle peut mettre en place les conditions d’une exploitation minière responsable qui prenne en compte les impacts environnementaux et réponde à l’urgence d’être souverain. Vaste débat en perspective…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 1er mars 2025)