La vidéo, spectaculaire, a été vue des milliers de fois sur les réseaux sociaux suscitant consternation et indignation. Le 21 février dernier, la mère du cinéaste Luc Besson filme des chasseurs qui se sont introduits dans le jardin de sa résidence, dans l’Orne, à proximité du massif de Saint-Evroult, à la poursuite d’un cerf qui y avait trouvé refuge. La mère du réalisateur, qui assure que le cerf n’était pas blessé, tente alors de les déloger de sa propriété. En vain. Les deux chasseurs aux chasubles orange tuent le cerf à coups de dague. « La loi n’autorise aucune mise à mort de l’animal pour le servir, et ne justifie en aucun cas l’intrusion dans une propriété privée. Il s’agit bien d’une violation de domicile », a réagi Me Xavier Bacquet, l’avocat de la Fondation 30 millions d’Amis, qui s’est portée partie civile. Luc Besson a lui dénoncé « une boucherie ». Le président de la Fédération nationale de la chasse (FNC), l’éruptif Willy Schraen, maintient de son côté que l’animal était blessé possiblement à la suite d’une collision.
Cette affaire éclate alors qu’une consultation publique vient de s’achever sur l’éventuelle avancée de la date d’ouverture de la chasse au cerf, une mesure déjà très contestée. Le gouvernement, soutenu par les chasseurs, veut avancer le début de cette chasse au 1er juin au lieu du 1er septembre. La période de chasse passerait ainsi de six à neuf mois. Pour justifier l’extension, les ministères de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique se basent sur les indicateurs de l’Office français de la biodiversité (OFB) qui montrent une forte hausse de la population de cervidés : 87 802 cerfs élaphes ont été abattus lors de la saison 2023-2024 contre 9 076 en 1983-1984. Avancer la date de la chasse permettrait ainsi de mieux réguler la population de cerfs.
Sans surprise, les associations de défense de l’environnement et de la cause animale s’opposent à une telle extension, arguant d’un côté qu’elle mettrait en danger les promeneurs en forêt, plus nombreux l’été, et d’un autre côté qu’il existe des alternatives pour la nécessaire régulation, avec par exemple l’introduction de prédateurs comme le loup – ce qui renvoie à un autre débat tout aussi explosif.
L’extension de la chasse au cerf ravive en tout cas l’opposition récurrente et ancienne entre chasseurs et randonneurs ou riverains, ces derniers dénonçant incidents et provocations de la part de chasseurs – une minorité – qui se croient tout permis. Deux mondes qui s’affrontent sans se comprendre, sans doute parce que seuls leurs porte-voix les plus radicaux s’expriment. Deux mondes qui, pourtant, gagneraient à chercher un terrain d’entente en appliquant des lois déjà nombreuses et suffisantes.
Pour concilier la protection des espèces chassables dont certaines font l’objet d’inquiétudes quant à leur statut de conservation selon la liste rouge des espèces menacées de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) et la nécessaire régulation de certaines espèces comme les sangliers qui prolifèrent. Pour concilier, surtout, la possibilité pour les Français de se promener dans la nature sans risquer d’être blessés ou tués par des tirs de chasse, et le droit de chasser, un acquis du peuple français depuis la Révolution de 1789…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 15 mars 2025)