L’hôpital est un lieu de soin, de solidarité nationale, de dévouement. Il est aussi, hélas, devenu un lieu de violences. Depuis plusieurs années les faits de violences à l’hôpital contre les personnels soignants sont documentés. Chaque jour, des professionnels de santé sont victimes d’agressions verbales ou physiques, de la part de patients, de leurs proches, et parfois même de leurs propres collègues. Sans oublier les récentes intrusions au sein d’hôpitaux qui ont jeté la lumière sur d’inquiétantes failles de sécurité. Ces violences sont inacceptables et intolérables car elles mettent en danger la qualité des soins, la sécurité des personnels et des usagers, et au final la cohésion de notre système de santé.
Les chiffres sont, en effet, alarmants. Les données de l’observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) mettent en avant près de 20 000 signalements de violences par an, ce qui représente environ 30 000 atteintes aux personnes et 5 000 atteintes aux biens chaque année. Selon le rapport 2022 de l’ONVS, 19 579 cas de violence ont été signalés en 2020, et 19 328 en 2021. Parmi les victimes d’atteintes aux personnes, les personnels représentent 83 % en 2020 et 84 % en 2021. La psychiatrie, les urgences et les EHPAD sont les secteurs les plus touchés. Les insultes, les menaces, les coups, les vols, les dégradations sont le quotidien de trop de soignants, qui subissent parfois des traumatismes durables, et dont les agressions marquent les esprits à l’échelle de leur communauté médicale.
Face à ce fléau, des politiques de prévention des risques ont bien été mises en place et le gouvernement a lancé, en 2023 à partir d’un « Rapport sur les violences à l’encontre des professionnels de santé », un plan d’action pour renforcer la sécurité des personnels ; 42 mesures notamment pour prévenir les violences, protéger les victimes et sanctionner les auteurs. Ce plan prévoit notamment de renforcer les effectifs de sécurité, de former les personnels à la gestion des situations conflictuelles, de faciliter le signalement des faits de violence, de soutenir les victimes et de garantir la réponse pénale.
Ces mesures nées d’un minutieux constat de terrain sont évidemment nécessaires, mais sont-elles suffisantes, à la hauteur du malaise ? Car pour endiguer ce phénomène, il faut aussi s’attaquer aux causes profondes des violences à l’hôpital, qui sont liées aux conditions de travail dégradées, particulièrement aux urgences, à l’organisation des soins, à la relation avec les usagers sans cesse plus exigeants… et évidemment au regard et aux attentes de la société sur l’hôpital.
« Tous les professionnels rendant un service à leurs concitoyens sont aujourd’hui victimes d’un marqueur de notre société : l’individualisme », remarquaient à juste titre les auteurs du rapport sur les violences. Ce consumérisme – que l’on retrouve pareillement à l’école – n’est d’ailleurs pas propre à la France puisqu’au niveau international, les violences aux professionnels de santé sont un phénomène qui s’étend aussi bien dans les pays industrialisés que les pays en voie de développement, et que, selon les derniers chiffres de l’OMS publiés en février 2022, 38 % des professionnels de la santé dans le monde sont victimes de violences physiques à un moment ou à un autre de leur carrière.
Il est donc urgent de réagir et d’appeler à un sursaut collectif. Du côté des pouvoirs publics, redonner du sens à la mission des professionnels de santé, leur donner réellement les moyens de l’exercer et les protéger de ces violences. Du côté des patients, nous tous, nous rappeler qu’il n’y a pas si longtemps nous les applaudissions à nos fenêtres chaque soir. C’est ce respect que nous leur témoignions qui doit être quotidien.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 21 février 2024)