L’affaire Jubillar, du nom de cette infirmière de 33 ans disparue dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020 à Cagnac-les-Mines, dans le Tarn, connaît un nouveau rebondissement. Ce jeudi 8 février, la chambre de l’instruction de la cour d’Appel de Toulouse a ordonné un supplément d’information, en raison de nouveaux éléments à « vérifier », en l’occurrence la découverte d’un échange téléphonique entre un détenu et sa mère évoquant l’affaire, révélée par La Dépêche du Midi. Les deux magistrats instructeurs vont donc devoir reprendre leurs investigations, alors qu’un procès se profilait dans quelques mois.
Cette décision, qui intervient après plus de trois ans d’enquête, est un coup dur pour les parties civiles, qui espéraient voir le suspect renvoyé devant les assises pour homicide volontaire. Elle témoigne aussi de la complexité de ce dossier, qui repose essentiellement sur des éléments à charge indirects, tels que les contradictions dans les déclarations du mis en cause, les traces de sang retrouvées dans la maison du couple, ou encore les tensions conjugales liées à la volonté de divorce de Delphine Jubillar.
Face à ce puzzle incomplet, la justice se doit évidemment d’analyser tous les éléments disponibles, sans négliger aucune piste, pour tenter de faire la lumière sur cette affaire qui tient en haleine l’opinion publique depuis plus de trois ans. C’est le sens du supplément d’information ordonné par la cour d’Appel. Mais cette démarche, aussi nécessaire soit-elle, va rajouter encore des semaines voire des mois de travail. La chambre de l’instruction en est bien consciente et a pris soin de rappeler hier « que l’exigence de recherche de la vérité doit être combinée à la nécessité de rendre la justice dans un délai raisonnable », alors que Cédric Jubillar est incarcéré depuis le mois de juin 2021. Cette lenteur de la justice avait d’ailleurs été évoquée lors des États généraux de la Justice. Parmi les mesures du plan d’action présenté le 5 janvier 2023, Éric Dupond-Moretti avait promis une modernisation des procédures civile et pénale. Une refonte du code de procédure pénale devenu, au fil de multiples révisions, « illisible et inadapté », avait ainsi été annoncée avec, notamment, une simplification des cadres d’enquêtes.
Il ne s’agit bien sûr pas de confondre vitesse et précipitation, mais ces longs mois d’attente ajoutent à la détresse des proches de Delphine Jubillar, qui attendent toujours de savoir ce qui lui est arrivé. Pour l’heure l’affaire Jubillar est loin d’être résolue et appartient à ces affaires casse-tête, ces crimes sans cadavre, sans arme, sans mobile évident. Elle pose aussi la question du respect de la présomption d’innocence, Cédric Jubillar étant devenu pour une large part de l’opinion un coupable idéal avant même que la justice ne se prononce. Elle nous rappelle enfin que derrière ce fait divers, il y a toujours une femme, une mère, une sœur, une amie, qui a disparu sans laisser de trace, et dont on ignore toujours le sort…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 9 février 2024)