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Président va-t-en-guerre

 

Macron


En matière diplomatique, domaine réservé des présidents de la République, le moins que l’on puisse dire est qu’Emmanuel Macron sait surprendre son monde. En déplacement en Israël le 24 octobre, deux semaines après les massacres terroristes perpétrés par le Hamas, le chef de l’État exprime la solidarité de la France aux côtés de Benyamin Netanyahou… et propose une « coalition » internationale sur le modèle de celle contre Daech pour « lutter » contre le mouvement palestinien. Stupeur en Israël, dans les pays arabes, dans la classe politique française et jusqu’au sein même des équipes d’Emmanuel Macron, qui n’étaient pas au courant et doivent péniblement assurer auprès des médias le décryptage de la pensée complexe du Président. L’idée fera long feu, sèchement rejetée par nos alliés et partenaires, notamment dans les pays arabes.

Quatre mois plus tard, bis repetita. Lors de la conférence de presse qui suit le sommet de soutien à l’Ukraine qui a réuni lundi à Paris une vingtaine de chefs d’État et de gouvernement, Emmanuel Macron évoque l’envoi de troupes au sol en Ukraine. « Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumer et endosser des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu », explique le Président, estimant qu’il ne faut pas dire « jamais, jamais… » Stupeur de nos partenaires européens, émoi à l’Otan, embarras dans la majorité et tollé dans les oppositions. Berlin, Londres, Madrid notamment démentent fermement un tel projet, l’Otan fait de même, affirmant que son rôle se limite à apporter une aide militaire à Volodymyr Zelensky.

En France, les oppositions sont vent debout, parlant de « folie », d’ «improvisation » et réclament que le Parlement soit saisi. Face aux critiques, l’Elysée annonce que le gouvernement fera devant le Parlement une déclaration relative à l’accord bilatéral de sécurité conclu entre la France et l’Ukraine le 16 février et à la situation en Ukraine. Un débat qui sera suivi d’un vote.

Dans les deux cas, Emmanuel Macron, d’évidence, a voulu replacer la France – et donc lui-même – au centre du jeu diplomatique sans mesurer qu’il n’en avait peut-être plus forcément les moyens. Au Proche-Orient, la voix de la France pèse bien moins que par le passé ; en Ukraine, la France est loin d’être le premier soutien militaire de Zelensky. Dans les deux cas, il s’agissait aussi pour le chef de l’État d’envoyer des messages de politique intérieure, d’un côté pour condamner ceux qui rechignent à qualifier de terroristes les actes barbares du Hamas, de l’autre pour mettre au jour les ambiguïtés de certains – notamment au Rassemblement national qui soutenait ardemment Poutine il n’y a pas si longtemps – à 100 jours d’élections européennes qui s’annoncent difficiles pour la macronie.

En revanche si l’on peut parler de raté lors du voyage en Israël, peut-on dire de même sur les déclarations de lundi ? Si Emmanuel Macron a durci son discours contre Vladimir Poutine – qu’il ne voulait pas « humilier » il y a quelques mois encore – c’est aussi parce que la Russie est bien en guerre contre l’Europe et cible particulièrement la France. Pas la guerre conventionnelle comme celle que Poutine mène en Ukraine bien sûr, mais une « guerre hybride » faite de cyberattaques, d’opérations d’influence et de désinformation sur les réseaux sociaux, de déstabilisation des processus électoraux. Des étoiles de David peintes à Paris sur ordre du FSB aux agressions contre les militaires de Barkhane en Afrique, cette guerre hybride se déploie à grande vitesse.

Les voisins de la Russie ont compris cette réalité. Emmanuel Macron a voulu ouvrir les yeux des Européens. Quitte à passer, dans les mots, pour un président va-t-en-guerre…

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 28 février 2024)

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