La France est confrontée à une crise du logement sans précédent, qui menace la cohésion sociale, la croissance économique et la transition écologique. Les chiffres sont, en effet, alarmants : en 2023, seulement 287 100 logements neufs ont été mis en chantier et 373 100 logements ont été autorisés à la construction, soit - 23,7 %... Cette situation est le résultat d'une conjonction de facteurs défavorables : la flambée des taux d'intérêt, qui a rendu l'accès au crédit plus difficile pour les ménages ; la hausse des prix des matériaux et du foncier, qui a renchéri le coût de la construction ; la baisse des aides publiques, comme la fin du dispositif Pinel ou la réduction du prêt à taux zéro ; la complexité des normes environnementales, ou encore la frilosité des collectivités locales...
Les conséquences sont dramatiques pour le secteur du bâtiment, qui représente 5 % du PIB et 2,5 millions d'emplois. Selon la Fédération française du bâtiment, près de 100 000 postes pourraient être supprimés à l'horizon 2024-2025, soit le nombre d'emplois créés depuis la sortie du premier confinement. Et les promoteurs immobiliers sont également en grande difficulté, certains ayant dû licencier ou déposer le bilan. En 2023, les défaillances d'entreprises du secteur de la construction ont augmenté de 47 %, selon une étude d'AU Group et EY5.
Mais la crise du logement ne touche pas seulement les professionnels, elle affecte aussi les millions de Français qui peinent à se loger. Selon la Fondation Abbé Pierre, 14,6 millions de personnes sont fragilisées, dont 4 millions sont mal logées. La pénurie de logements neufs entraîne une hausse des prix de l'immobilier, qui exclut de nombreux ménages modestes de l'accession à la propriété. La demande de logements sociaux explose, avec 1,7 million de personnes en attente d'un HLM. Et la mobilité résidentielle est entravée ; restant locataires de leur logement, nombre de Français engorgent un marché de la location où très peu de logements se libèrent voire saturent des hébergements d’urgence.
Cette situation, de l'avis de tous les professionnels du secteur, est intenable et la "bombe sociale" du logement qu'évoquait l'été dernier l'ex-Premier ministre Edouard Philippe est une bombe à retardement que le gouvernement Attal va devoir rapidement désamorcer. Angle mort du macronisme depuis 2017, le logement a certes bénéficié d'un Conseil national de la refondation dédié fin 2022, mais les mesures qui ont nourri un plan d'action présenté par Elisabeth Borne avaient été jugées insuffisantes.
Gabriel Attal assure vouloir faire du logement une des priorités de ses 100 premiers jours à Matignon, mais les premières annonces comme la réforme de la loi SRU et la nomination d'un ministre libéral vue comme une provocation par les acteurs du logement social ne sont pas de nature à rassurer.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 12 février 2024)