Plus encore que les années précédentes, les observateurs pronostiquaient une rentrée politique très chaude, notamment en raison d’une Assemblée nationale renouvelée dans laquelle la majorité présidentielle n’était que relative. Les débats virulents, l’usage répété de l’article 49.3 par le gouvernement pour adopter les textes budgétaires et les polémiques diverses ont, d’évidence, contribué à une ambiance électrique sans toutefois atteindre le blocage. La « vraie » rentrée chaude pourrait dès lors intervenir en janvier.
Car c’est à ce moment-là que plusieurs éléments vont tendre le corps social : dans un contexte où l’inflation devrait se maintenir à un haut niveau, notamment sur l’alimentaire, les Français vont devoir faire face à la fin de la ristourne pour tous sur les carburants – celle du gouvernement comme celle de Total Energies – mais aussi à une hausse de 15 % des prix du gaz et de l’électricité, heureusement limitée par le bouclier tarifaire. Si l’on ajoute la controversée réforme des retraites qui pourrait arriver devant le Parlement à ce moment-là et un hiver rigoureux qui contraindrait les Français à dépenser davantage pour se chauffer, on a tous les ingrédients d’une période de fortes turbulences pour le gouvernement.
Sans préjuger de ce qui se passera vraiment, la question des prix des carburants reviendra en tout cas en première ligne car sans les ristournes auxquelles nous nous sommes habitués depuis avril dernier, les stations-service vont à nouveau afficher des prix dépassant allègrement les 2 euros le litre voire davantage en fonction des cours du pétrole, dont l’Opep + a refusé d’augmenter la production. Autant dire qu’il s’agira d’un retour à la case départ de l’essence (très) chère, insupportable pour les millions de Français qui ont besoin de leur voiture faute de disposer de transports en commun suffisants et efficaces. Le gouvernement, qui aura dépensé quelque 7,5 milliards d’euros pour les ristournes carburant, entend mettre en œuvre un nouveau dispositif plus vertueux, ciblé sur les « gros rouleurs » et les ménages les plus modestes. Aussi complexe soit-elle, cette mesure socialement plus juste sera bien sûr la bienvenue, mais elle constitue aussi, comme la ristourne, un choix court-termiste dénoncé par les associations écologiques. Comme le souligne Greenpeace, « le bouclier tarifaire et la ristourne généralisée à la pompe vont à l’encontre des objectifs climatiques du pays et consistent finalement à encourager la consommation d’énergies fossiles. »
Car derrière la hausse des prix des carburants qui pèse lourdement sur le budget des Français, se trouve le plus vaste sujet des mobilités de demain. Comment nous déplacerons-nous, avec quels moyens, individuels ou collectifs comme le train que promeuvent les Régions, serons-nous prêts pour généraliser la voiture électrique aujourd’hui très onéreuse et ne disposant pas des infrastructures de recharge suffisantes ? Et comment accompagner les Français pour qu’aucun ne soit laissé sur le bord du chemin ?
À côté des réponses immédiates, la France doit conduire d’urgence ce grand débat de la transition énergétique car il nécessite non seulement des investissements colossaux – l’économiste Jean Pisani-Ferry évoque 70 milliards d’euros en 2030 – mais aussi une révolution de nos habitudes et de nos comportements qui sera très difficile.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 11 novembre 2022)