À l’heure où s’ouvre un second cycle de concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux autour des questions d’équité et de justice sociale, la réforme des retraites commence-t-elle – enfin ! – à sortir de la brume ? L’exécutif – qui marche à l’évidence sur des œufs – dévoile par petites touches ce que pourrait contenir cette réforme controversée qu’Emmanuel Macron entend absolument faire adopter au pas de charge pour une entrée en vigueur à l’été 2023. Sans éviter de souffler le chaud et le froid pour contenter tout le monde, le ministre du Travail Olivier Dussopt, qui pilote les concertations, énumère ainsi dans Les Échos des premières pistes qui pourraient faire consensus… mais aussi celles qui font dissensus.
D’un côté, une meilleure prise en compte du travail des seniors, point faible de la France par rapport à ses voisins européens, une meilleure considération des critères de pénibilité qui pourraient être élargis et des carrières longues, mais aussi une hausse de la retraite minimale au-delà des 1 100 € promis aux futurs retraités par Emmanuel Macron. De l’autre la fin des régimes spéciaux chez EDF et la RATP – deux bastions syndicaux – avec la même clause du grand-père adoptée pour la réforme du régime de la SNCF, et le report progressif de l’âge de départ qui pourrait aussi s’appliquer aux fonctionnaires. Même si le temps presse, le gouvernement tente ainsi de bâtir une réforme des retraites qu’il juge indispensable – bien que le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites ne l’estime pas urgente – en tenant compte de l’hostilité d’une large partie de l’opinion sur le report de l’âge de départ, dont la CFDT a fait une ligne rouge.
Si Olivier Dussopt concède ne pas sous-estimer la capacité de mobilisation dans la rue des syndicats, il lui reste à gagner la bataille de l’opinion et la bataille politique. La première sera difficile à remporter car tous les sondages, depuis des mois, montrent que les Français sont attachés à l’âge actuel de départ de 62 ans.
La bataille politique, elle, pourrait être plus facile à gagner grâce aux parlementaires Les Républicains vers lesquels Emmanuel Macron a explicitement fait une proposition d’alliance le 26 octobre sur France 2. À la faveur du vote sur le Budget de la Sécurité sociale, le Sénat dominé par les LR a voté hier une réforme des retraites précédée d’une période de négociations qui devrait prendre en compte pénibilité, carrières longues et emploi des seniors. En cas d’échec, la droite prévoit un allongement de la durée de cotisation et le report progressif de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ. Les points de convergence avec la majorité présidentielle sont tels que Gabriel Attal y a immédiatement vu la possibilité de « trouver une majorité » sur une réforme des retraites qui correspond à l’ADN des LR.
À gauche, on dénonce par avance cette alliance qui pourrait se nouer lors de l’examen de l’amendement LR à l’Assemblée la semaine prochaine, court-circuitant de fait tout vrai débat. « Il faut d’urgence une réunion de toute la gauche sociale et politique pour organiser le barrage à l’Assemblée et dans les rues », a tonné hier Jean-Luc Mélenchon.
La réforme des retraites sort de la brume, mais une brume électrique…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 16 novembre 2022)