C’est une épidémie silencieuse sur laquelle nous aurions tort d’être… aveugles : en 2050 dans le monde, près de la moitié de la population sera myope. Selon les projections, 5 milliards de personnes dans le monde pourraient ainsi être frappées de myopie d’ici à 2050, contre 2,5 milliards aujourd’hui. Actuellement, l’Asie de l’Est est la région du monde la plus concernée avec entre 56 et 80 % de la population myope contre 35 % aux États-Unis et 33 % en Europe. En France, environ 35 % de la population souffre de ce trouble visuel le plus courant qui altère la vision de loin. Si elle se corrige aisément par le port de lunettes, de lentilles ou par des opérations au laser aujourd’hui parfaitement fiables, la myopie est loin d’être anodine et peut déboucher sur des complications. La myopie augmente ainsi le risque de décollement de la rétine, d’une cataracte précoce et de glaucome, qui est multiplié par deux chez les myopes et par cinq chez les myopes forts. Et elle constitue la quatrième cause de cécité.
Dès lors les premières journées nationales d’information et de dépistage de la myopie, organisées depuis lundi et jusqu’à ce vendredi par l’Institut d’Éducation Médicale et de Prévention (IEMP), sont importantes pour informer les Français, qui connaissent encore mal la myopie, et pour la dépister. Un dépistage d’ailleurs capital chez les enfants où la progression de ce trouble inquiète les spécialistes. La première grande étude épidémiologique française sur la myopie, réalisée en 2021 par le groupe Krys et le CHU de Poitiers, a montré, en effet, que 20,5 % des moins de 18 ans étaient touchés soit un enfant sur cinq et même un sur deux à 17 ans… La myopie affecte leur développement, l’ensemble de leurs compétences motrices, cognitives ou affectives et donc potentiellement leur scolarité. Plus une myopie apparaît tôt, plus elle risque d’évoluer rapidement vers des formes sévères à l’âge adulte ; il est donc important de la corriger dès que possible voire de la freiner dans certains cas.
Cette progression de la myopie interroge en tout cas car elle n’est pas seulement imputable à des prédispositions génétiques ; elle peut aussi apparaître au fil des ans en raison de nos habitudes de vie – on parle de myopie comportementale – et plus particulièrement de notre usage des écrans. Des chercheurs de l’Université australienne de Flinders ont démontré que l’usage répété d’écrans (tablettes, smartphones, ordinateurs) favorise la myopie car avec la lumière bleue qu’ils émettent, ils perturbent le cycle circadien et provoque un décalage du temps de sommeil. Il est donc important de limiter le temps passé derrière ses écrans, notamment le soir, mais aussi de pratiquer des activités physiques et de plein air.
Des conseils répétés depuis plusieurs années mais qui peinent à être suivis tant notre société de plus en plus numérisée a multiplié les écrans. Dans sa vaste étude « France, portrait social » 2022 publiée mardi, l’Insee indique ainsi que 27 % des enfants de moins de deux ans et 54 % des moins de 5 ans et demi utilisent des écrans. Alors demain, tous myopes ?
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 24 novembre 2022)