Fin 2019, le transfert de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) de Matignon vers le ministère de l’Intérieur, au sein d’un secrétariat spécialisé dans la radicalisation (le CIPDR, Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation), avait provoqué émoi et inquiétude chez les associations d’aides aux victimes des sectes. L’éventualité d’une suppression des archives et du site internet de la Miviludes, dont le travail était unanimement reconnu depuis 17 ans, avait ajouté aux craintes de voir amoindris les moyens d’un service de l’État, d’évidence, indispensable. Tout est ensuite rentré dans l’ordre et ce retour à la normale est sans doute dû à l’épidémie de Covid-19.
Car la pandémie historique a suscité de la peur et des inquiétudes évidemment légitimes dans la population effrayée par ce coronavirus dont on ne connaissait pas encore toutes les conséquences sur la santé et contre lequel on n’avait pas encore de vaccin. Les confinements qui ont provoqué de l’isolement ont rajouté à l’angoisse de beaucoup de Français. Sur ce terreau ont alors prospéré les complotistes de tout poil et les gourous marchands de guérison miraculeuse prêts à tout pour vendre leurs « conseils » ou leurs « grigris » potentiellement dangereux à des personnes fragiles dont ils ont abusé de la faiblesse.
Confortée par le gouvernement en termes de moyens, la Miviludes vient de publier son rapport d’activité 2021 qui confirme combien le Covid a bien été un catalyseur de mouvements épars et a façonné un nouveau visage des dérives et mouvements sectaires. L’essentiel des saisines – dont le nombre a augmenté de 33,6 % entre 2020 et 2021 à 4 020 cas – n’est plus seulement composé de groupes purement religieux mais bien des formes de médecines alternatives ou des promesses de bien-être et de spiritualité, qui attirent des personnes se méfiant de la médecine conventionnelle. Un seuil a été franchi comme le note le président de la Miviludes, le préfet Christian Gravel, qui pointe « une prolifération de nouveaux acteurs, plus discrets, maîtrisant le web et ses codes, sachant contrôler les esprits, en exploitant les peurs, la perte de repères, la recherche de solutions simples face à des questionnements existentiels, par définition complexes. » Naturopathes, sophrologues, adeptes de la méditation de pleine conscience, du coaching, du développement personnel, du bien-être, prosélytes du masculinisme ou des théories de conversion…
Autant de charlatans dont le pouvoir de nuisance est souvent démultiplié par la facilité avec laquelle, sur internet, ils peuvent diffuser leurs propos. Le catalogue à la Prévert fait d’autant plus froid dans le dos que derrière les signalements il y a des hommes et des femmes brisés, leurs proches anéantis.
Dès lors, plus que jamais, le combat contre ces charlatans doit être implacable, contre eux mais aussi contre les plateformes numériques qui laissent parfois trop longtemps en ligne des fake news ou des propos dangereux. La liberté d’expression a alors bon dos. Ce combat des Lumières contre les nouveaux obscurantismes sera long. Il doit tous nous mobiliser.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 13 novembre 2022)