Accéder au contenu principal

Un air de déjà-vu

medecin

En réclamant un doublement du tarif de la consultation de 25 à 50 euros, les syndicats de médecins libéraux qui appellent à deux jours de grève à partir de demain, savaient pertinemment ce qu’ils faisaient. Cette proposition-choc a été brandie d’abord pour marquer les esprits des Français. En mettant l’accent sur le prix de la consultation alors que les généralistes libéraux gagnent trois fois plus que le salaire moyen des Français selon le Panorama de la santé 2021 établi par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les syndicats et le jeune collectif « Médecins pour demain » à l’initiative du mouvement, ont fait un pari risqué, celui de se mettre à dos l’opinion qui pourrait ne pas comprendre une « grève de riche » en pleine inflation. Le gouvernement lui-même semble tenté de jouer l’opinion contre ce mouvement unitaire jamais vu depuis 2015, dont les animateurs n’excluent d’ailleurs pas, si aucune avancée concrète n’est obtenue, un durcissement durant les fêtes de fin d’année, à l’heure de l’arrivée d’une 9e vague du Covid-19 et d’une épidémie de grippe saisonnière annoncée comme corsée et d’une épidémie sévère de…

Mais il faut sans doute aller au-delà de la consultation à 50 euros pour mesurer combien cette proposition-choc est d’abord le cri du cœur d’une profession qui se sent déconsidérée et peu écoutée par les pouvoirs publics. Comme un appel aux Français pour qu’ils regardent en face l’état de leur système de santé et l’épuisement d’une majorité de leurs médecins généralistes, qui essuient journées à rallonge, stress, incivilités croissantes, multiplication des rendez-vous non honorés, et plus généralement des tâches administratives chronophages qui empiètent sur les actes purement médicaux. Autant de choses qui rendent moins attractif un métier déjà en sous-effectif depuis la baisse du numerus clausus dans les années 80-90. Pour justifier la revalorisation du prix de la consultation – qui se rapprocherait de la moyenne européenne de 46 € – les médecins grévistes mettent ainsi en avant l’amélioration de la qualité des soins qu’elle apporterait et l’attractivité du métier qu’elle renforcerait. Et parient sur le fait qu’elle serait transparente pour les patients, remboursés par la Sécurité sociale.

A contrario, justement, l’Assurance maladie impécunieuse ne semble pas en mesure de supporter le surcoût de 7 milliards d’euros que représenterait ce doublement du prix de la consultation. Le ministre de la Santé François Braun lui-même a indiqué qu’il ne serait « pas crédible » de « tout mettre à 50 euros », quand certains parlementaires s’agacent déjà des prétentions des médecins qui freinent toute mesure qui les mobiliserait pour participer, par exemple, à la résorption des déserts médicaux.

Ce dialogue de sourd entre l’État et les médecins libéraux, entre les objectifs de l’un et les revendications des autres, n’est pas nouveau, y compris son bras de fer sur le prix des consultations. « Il y aura un équilibre à trouver pour progresser ensemble », a promis François Braun en rappelant que « les partenaires conventionnels devront s’engager : liberté et responsabilité, droits et devoirs, revalorisation et contrepartie. » Un air de déjà-vu qui ne saurait exclure une vraie réflexion sur la place de la médecine de ville.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 30 novembre 2022)

Posts les plus consultés de ce blog

Se préparer

Voilà un type de courbe que l’on n’avait pas vu depuis longtemps concernant le Covid-19 : une hausse, celle du nouveau variant du coronavirus EG.5. Baptisé Eris, ce cousin d’Omicron croît de façon vertigineuse dans le séquençage de cas positifs au Covid-19 en France comme dans d’autres pays. Beaucoup plus contagieux que ses prédécesseurs, Eris pourrait ainsi s’imposer et devenir majoritaire. Au point de relancer une pandémie mondiale que nous pensions derrière nous ? Nous n’en sommes évidemment pas là, mais l’apparition de ce nouveau variant, tout comme la possibilité de voir survenir des clusters de contamination comme cela vient de se produire aux fêtes de Bayonne, nous interroge légitimement. Même si la couverture vaccinale est bonne en France, la crainte de devoir revivre les conséquences sanitaires et socio-économiques d’un retour de la pandémie est bien dans les esprits. Peut-être aurions-nous dû écouter plus attentivement les spécialistes comme le directeur général de l’Organisa

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m

Bien manger

C’est un petit logo qui nous est devenu familier lorsque nous faisons nos courses. Impulsé par un règlement européen (INCO) de 2014, établissant des règles pour informer les consommateurs sur la déclaration nutritionnelle ou la liste des ingrédients d’un produit, le Nutri-Score, ses cinq lettres de A à E et ses cinq couleurs de vert à rouge, est désormais bien ancré dans le paysage. De plus en plus présent sur le devant des emballages, on peut même dire que c’est un succès européen puisqu’il est présent non seulement en France, qui l’a introduit en 2017, mais également en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Espagne et même en Suisse, qui ne fait pourtant pas partie de l’Union européenne. Face à des étiquettes qui livrent la composition des produits écrite en tout petits caractères difficilement lisibles, certains consommateurs s’étaient déjà tournés vers des applications comme Yuka. Avec un smartphone, il suffit alors de scanner le code-barres d’un produit pour en a