Au choc de l’inflation, dont le retour est dû à de multiples facteurs - la reprise post-Covid, la guerre en Ukraine, la crise énergétique qui s’en est trouvée exacerbée, mais aussi les conséquences du réchauffement climatique et divers autres facteurs économiques dont les tensions de recrutements dans certains secteurs - semble répondre un choc de la perception qu’ont les Français de la hausse des prix. Comme si deux visions d’une même réalité se faisaient face.
D’un côté, les chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) qui, chaque mois, dévoile la hausse des prix à la consommation avec un indice qui se veut au plus près de la réalité. Celui-ci mixe le relevé de 160 000 prix dans 26 000 points de vente partout en France, plus 500 000 relevés sur internet et des données de caisses de la grande distribution. 80 millions de produits sont ainsi suivis. Sur un an, selon l’estimation provisoire réalisée fin octobre, les prix à la consommation augmentent de 6,2 %. Mais la hausse sur l’alimentaire est de +11,8 % et même de +16,9 % pour les produits frais. À ce rythme, le « tsunami d’inflation » pronostiqué par Michel-Edouard Leclerc pour 2023 semble tout à fait possible.
Le gouvernement - comme Emmanuel Macron le 26 octobre sur France 2 avec ses graphiques - a beau expliquer que la France résiste mieux que ses voisins - c’est incontestable -, que les boucliers tarifaires sur l’énergie ont évité aux Français de voir leurs factures exploser, que la kyrielle de mesures adoptées en juillet par le Parlement et prolongées cette semaine a, d’évidence, protégé le pouvoir d’achat et que l’enquête diligentée par Bercy dans l’alimentaire a montré qu’il n’y avait pas eu de « profiteurs de crise » généralisés chez les industriels, les distributeurs et les agriculteurs, rien n’y fait.
Les Français ont, en effet, le sentiment que l’inflation qu’ils subissent est beaucoup plus forte que ne le disent les chiffres : ils estiment ainsi qu’elle est à un niveau deux fois plus élevé que celui présenté par l’Insee (12,5 % contre 6,2 %) selon un récent sondage Odoxa. Car à côté des statistiques, il y a ce que vivent nos concitoyens au quotidien en faisant leurs courses et en payant leurs factures. A la rationalité des chiffres officiels qui supposerait un comportement précis face à la hausse des prix s’oppose ainsi la subjectivité de la vraie vie, où chaque consommateur, exposé à de multiples contraintes et influences, a sa singularité. Ce décalage explique pourquoi toutes les enquêtes d’opinion montrent combien les Français sont inquiets pour leur avenir. L’inflation, qui plombe le moral, angoisse 92 % d’entre eux et 75 % pensent que 2023 sera une année de plus grandes difficultés économiques que 2022...
Pour Emmanuel Macron, il y a urgence à répondre à cette angoisse autrement qu’en martelant qu’ «on va tenir », surtout quand l’inflation continue de galoper. Il faut aller au-delà pour qu’à l’heure où la France va devoir affronter le défi de la transition écologique et ses mutations, les efforts demandés soient équitablement répartis et la hausse des prix supportable par tous.
(Éditorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 10 novembre 2022)