La France, historiquement exportatrice d’électricité grâce à ses centrales nucléaires - jadis fleuron industriel national - contrainte d’importer de l’électricité d’Allemagne et de procéder à des coupures d’électricité pour éviter un black-out général. Ce scénario humiliant pour la 6e puissance économique mondiale, jusqu’à présent inimaginable, est pourtant bien celui que le pays s’apprête à affronter dans les prochains mois.
Selon RTE, le gestionnaire du transport d’électricité, qui a révisé ses prévisions pour l’automne et l’hiver 2022-2023, il existe un risque « élevé » de tensions sur le réseau français en janvier prochain. Faute de disposer d’un parc nucléaire pleinement opérationnel en raison notamment du retard dans le calendrier de maintenance des réacteurs, les Français pourraient voir le signal Ecowatt passer au rouge, signe de possibles « délestages » temporaires et ciblés. Une perspective qui ne serait pas amoindrie par la baisse de la consommation des Français, qui ont, visiblement, déjà adopté une certaine sobriété.
Pour l’exécutif, ces possibles coupures constituent un véritable cauchemar et en tout cas un électrochoc. Si Elisabeth Borne et ses ministres, qui ont abordé le sujet lors de leur dernier séminaire gouvernemental, font tout pour « ne pas angoisser » les Français et les assurer que l’hiver va bien se passer, en coulisses, on se prépare au pire. Une cellule interministérielle de crise, dite d’anticipation, pilotée par le directeur de cabinet de la Première ministre et une préfète dédiée s’est installée dans les sous-sols du ministère de l’Intérieur il y a un mois et réunit deux fois par semaine tous les acteurs concernés pour préparer les modalités des délestages. Qui sera touché, qui ne le sera pas ? Les hôpitaux et les prisons seront préservés, mais quid des entreprises, des commerces, des gares et aéroports ? Un vrai casse-tête.
Un casse-tête qui ne sera sans doute rien face au défi énergétique qui attend Emmanuel Macron et son gouvernement. Sous le feu des oppositions qui critiquent le chef de l’État tantôt pour avoir signé l’arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim, tantôt pour en faire trop ou pas assez sur les énergies renouvelables ou le nucléaire, et qui raillent maintenant le Président qui serait contraint d’imposer la bougie aux Français en cas de coupures de courant, Emmanuel Macron doit, peu ou prou, réinventer un nouveau mix énergétique français. Un mix à même de répondre aux enjeux de la transition écologique : honorer les engagements de la France en termes de réduction des émissions de CO2 et en même temps s’assurer de disposer de suffisamment d’électricité pour répondre par exemple au bouleversement de l’arrêt des voitures thermiques.
Le Président, qui ne saurait être seul responsable de l’incurie qui frappe l’entretien des centrales nucléaires, a pris la mesure du dossier, acté en février la « renaissance du nucléaire » avec la mise en service de 25 GW de nouvelles capacités d’ici à 2050 et le déploiement de petits réacteurs modulaires, ou décidé du renforcement des énergies renouvelables, éoliennes en tête, domaine où la France accuse un sérieux retard. Reste à savoir si, face à l’urgence, ses projets de loi trouveront une majorité pour être votés…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 25 novembre 2022)