Les Français n’ont souvent pas de mots assez durs pour critiquer ce que l’on appelle la « monarchie républicaine », l’emphase protocolaire, les attributs du pouvoir dont abuseraient président, ministres, parlementaires ou élus. Et paradoxalement, ils ne supporteraient pas que la France ne dispose pas, justement, de ces mêmes attributs qui participent pleinement de son image, de son rayonnement, de sa puissance et de son histoire.
Si elle n’avait forcément pas la charge historique de l’investiture de François Mitterrand en 1981, la cérémonie de ré-investiture d’Emmanuel Macron, hier au palais de l’Elysée, n’a pas échappé à ces critiques et pourtant, lorsque le président réélu pour un second mandat le 24 avril est apparu, la solennité du cérémonial a rappelé à tous qu’il s’agissait bien là d’un moment important de la vie démocratique et politique du pays, d’un moment d’unité, d’un moment de réconciliation, d’un moment républicain.
Car, pour reprendre la théorie de l’historien allemand Ernst Kantorowicz sur les deux corps du roi, il y a en Emmanuel Macron deux personnes. D’abord, l’homme politique qui va conduire au nom des Français, avec son gouvernement, les affaires du pays pendant cinq ans selon des choix qui lui sont propres, dans le respect de la constitution. Et puis il y a le chef de l’État qui incarne à travers sa personne les valeurs de la République, la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité, le respect de l’État de droit et de nos institutions et, au-delà, la prééminence des droits de l’Homme nés de la Révolution de 1789 et des valeurs démocratiques et humanistes qui puisent leurs racines dans les Lumières. Comme ses prédécesseurs avant lui – dont deux étaient présents hier à l’Elysée, Nicolas Sarkozy et François Hollande – Emmanuel Macron en est le dépositaire légitime qui doit être reconnu comme tel. En 2027, il transmettra cette charge à son successeur qui, quel que soit son bord politique, devra lui aussi assurer cette permanence de la République.
Dans son premier discours de « nouveau président » pour un « nouveau mandat », Emmanuel Macron a d’ailleurs rappelé combien ses prérogatives l’obligent devant les Français, d’abord parce qu’il a été élu pour la deuxième fois contre l’extrême droite grâce à un Front républicain, ensuite parce que le contexte international met à l’épreuve la solidité des démocraties, de notre démocratie. « Du retour de la guerre en Europe à la pandémie en passant par l’urgence écologique […] rarement notre monde et notre pays n’avaient été confrontés à une telle conjonction de défis », a estimé Emmanuel Macron en promettant « de servir » et en faisant le « serment de léguer une planète plus vivable » et « une France plus forte ».
Après le temps suspendu de l’investiture commence désormais pour Emmanuel Macron le temps de l’action. Il a cinq ans pour honorer la République et son serment.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 8 mai 2022)