Depuis deux ans, nous avons souvent observé une carte de France qui est souvent devenue rouge voire écarlate au fur et à mesure qu’évoluaient les contaminations au Covid-19. Mais nombre de Français ont aussi scruté une autre carte de France, celle du risque d’allergie aux pollens, réalisée depuis 1996 par le réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA). Actuellement, cette carte est toute rouge, 90 des 96 départements étant concernés par un risque d’allergie élevé qui devrait le rester encore plusieurs semaines en raison de conditions météorologiques très favorables à l’émission et la dispersion des fortes concentrations de pollens de graminées dans l’air. Mais au-delà des graminées, ambroisies, aulne, bouleau, charme, frêne, peuplier, platane ou même olivier sont pour de nombreux Français non pas seulement des beautés de la nature mais la source de tourments qui les épuisent en provoquant asthme, rhinite ou rhume des foins, conjonctivite, eczéma, urticaire voire choc anaphylactique.
Autant dire qu’avec un tiers de Français qui sont touchés par les allergies, selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), les allergies sont bien un vrai problème de santé publique d’autant que les spécialistes tablent sur la moitié de la population impactée d’ici 2050…
Cette hausse de personnes touchées par les allergies est à mettre en regard avec la profusion de pollens dans l’atmosphère, dont certains, transportés par le vent, contiennent des protéines reconnues par le système immunitaire humain comme étant des allergènes. La quantité de pollen est telle que l’on parle parfois de pollenpocalypse, un néologisme né après un épisode fameux survenu en 2019 dans l’État américain de Caroline du Nord qui a vu la ville de Durham submergée par un nuage de pollens.
Comment expliquer ces phénomènes ? Peut-être – mais pas seulement – par le réchauffement climatique. La hausse des températures, en effet, stimule certains végétaux et augmente ainsi les quantités de pollen produit, et donc les quantités d’allergènes. Autre conséquence de la hausse des températures, le démarrage plus précoce de l’apparition des pollens et donc une période beaucoup plus longue à supporter pour les personnes qui sont sensibles. Enfin, le réchauffement climatique bouleverse les écosystèmes et les zones de présences des plantes. Par exemple les ambroisies, ces plantes opportunistes envahissantes dont le pollen est hautement allergisant pour l’Homme, voient leur aire de répartition augmenter d’année en année. Importée d’Amérique du Nord, l’ambroisie fait aujourd’hui l’objet de programmes de lutte mondiaux et européens. En France, la lutte contre l’ambroisie est inscrite dans le 3e Plan national santé-environnement. Un rapport publié dans Nature prévoit une extension des zones de l’ambroisie et une multiplication par quatre des concentrations atmosphériques de pollen d’ambroisie d’ici à 2050 en Europe.
Autant dire que les allergies qui nous affectent constituent un signal supplémentaire pour agir contre le réchauffement climatique…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 28 mai 2022)