C’est peu dire que la question du logement a été la grande oubliée de la campagne présidentielle. Les candidats avaient bien passé un « grand oral » devant l’Alliance pour le logement, qui réunit France urbaine, l’USH, la Fondation Abbé-Pierre, la Fédération Française du Bâtiment et Intercommunalités de France, pour décliner leurs propositions, mais ce thème s’est retrouvé dépassé par celui du pouvoir d’achat. Début mars, le logement était d’ailleurs en queue de peloton des 15 priorités des Français listées par l’institut Elabe, cité par seulement 8 % d’entre eux, loin derrière le pouvoir d’achat (50 %) ou la santé (41 %). Pour autant, dans le détail, l’enquête montrait que le logement – 3e poste de dépenses des foyers – est une préoccupation fortement corrélée au pouvoir d’achat et que 48 % des Français se disaient prêts à augmenter leur budget logement s’ils le pouvaient.
C’est que la crise Covid a bouleversé le rapport des Français au logement. Ceux qui se sont retrouvés confinés dans de petits appartements dans les grandes villes ont commencé à rêver d’ailleurs, s’imaginant locataires et de plus en plus propriétaires d’un logement plus spacieux avec, pourquoi pas, un jardin, dans un environnement plus préservé où les trajets domicile-travail sont moins longs.
Ce rêve de devenir propriétaire se cogne aujourd’hui à une réalité implacable qui voit l’obtention d’un crédit être de plus en plus complexe. L’incertitude de l’évolution de l’économie impactée par la guerre en Ukraine, la hausse des taux et le durcissement des critères des banques douchent les espoirs de beaucoup de Français. Les banques ont, en effet, rehaussé l’apport que doivent mettre sur la table les emprunteurs, et elles prennent en compte la hausse du coût de l’énergie et des matériaux qui impactent le « reste à vivre » (ce qu’il reste pour vivre après le paiement des crédits) des candidats emprunteurs. Résultat, des dossiers qui seraient passés il y a quelques mois sont désormais refusés.
À cette situation s’ajoutent les difficultés et les défis du marché immobilier français : répondre aux besoins en logements en en construisant et en en rénovant davantage et réussir la transition écologique du bâtiment. Durant la campagne, Emmanuel Macron ne s’est pas déclaré en faveur de « la propriété pour tous » mais plutôt d’un logement pour tous, ce qui peut passer par être locataire du parc social, du parc privé ou propriétaire pour ceux qui le souhaitent et le peuvent. Le chef de l’État réélu place son action pour le logement sous le signe de la continuité par rapport à son premier mandat. Mais les professionnels de l’immobilier et les associations réclament plus. À l’heure où se forme un nouveau gouvernement, un vrai ministère de la Ville ou de l’Habitat paraît plus qu’indispensable, urgent.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 5 mai 2022)