Accéder au contenu principal

Les messages du 9 mai

putin

Au 72e jour ce vendredi de l’ « opération militaire spéciale » censée « libérer » les Ukrainiens du Donbass et au-delà, et « dénazifier » un pays prétendument aux mains de dirigeants corrompus, force est de constater que rien ne s’est passé comme prévu pour Vladimir Poutine. Cette « opération » qui devait lui permettre de s’emparer du pays en quelques jours et installer à sa tête un régime fantoche à sa botte, s’est au contraire enlisée, bloquée par l’incroyable résistance du peuple ukrainien et les ratés logistiques humiliants d’une armée russe pourtant bien plus nombreuse et bien plus puissante.

Elle s’est aussi révélée totalement contreproductive pour le maître du Kremlin : non seulement cette invasion a fait émerger chez les Ukrainiens un puissant sentiment patriotique, scellé autour de leur président-courage Volodymyr Zelensky, mais elle a aussi réveillé l’Europe, désormais convaincue de la nécessité d’une défense commune, ragaillardi l’Otan, dont Emmanuel Macron avait acté la « mort cérébrale » et que la Finlande et la Suède veulent rejoindre, et suscité la solidarité et l’indignation du monde face aux crimes de guerre russes. À ce fiasco s’ajoutent la mise au ban de la Russie de nombreuses instances internationales et des sanctions économiques et financières qui, si elles n’ont pas encore porté tous leurs effets, pourraient être implacables dès que l’Europe mettra en œuvre un réel embargo sur ses importations de gaz et de pétrole russes.

Dans une telle situation, n’importe quel dirigeant s’assoirait à la table des négociations pour arrêter la guerre et rechercher le chemin d’un compromis. Pour Vladimir Poutine – qui, depuis son arrivée au pouvoir, a fait de l’exacerbation du sentiment national de la Grande Russie sa marque de fabrique – il ne saurait en être question. Impossible de perdre la face, pas question de céder à la communauté internationale, quitte à travestir la réalité dans une fuite en avant dont personne ne sait réellement jusqu’où elle ira.

À trois jours de la date commémorative de la victoire de la Russie sur l’Allemagne nazie, Vladimir Poutine entend faire du 9-Mai une démonstration de force en faisant défiler à Moscou les armes sophistiquées et pour certaines nucléaires dont dispose l’armée russe et qu’il menace d’utiliser contre les pays – États-Unis en tête – qui aident l’Ukraine. Quel message va délivrer Vladimir Poutine lors de cette cérémonie ? Va-t-il célébrer la victoire de la prise de Marioupol, la « libération » du Donbass ? Ou alors va-t-il officiellement déclarer la guerre à l’Ukraine qui, de facto, deviendrait une guerre mondiale ?

À ce message guerrier du 9-Mai qui viendra de la Place rouge, l’Europe doit opposer un autre message, un message de paix. Car ce 9-Mai est la Journée de l’Europe qui célèbre la « déclaration Schuman » du 9 mai 1950, l’acte de naissance de l’Union européenne qui n’a jamais été autant d’actualité. « L’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre », rappelait alors le diplomate français, donnant un conseil qui, aujourd’hui que l’Europe est faite, devrait inspirer voire obliger nos dirigeants : « la paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent ».

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 6 mai 2022)

Posts les plus consultés de ce blog

Moine-soldat

Dans le marathon de l’examen de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, le calendrier a marqué une pause ce jeudi à l’occasion de la niche parlementaire du Parti socialiste. Une pause mise à profit par le gouvernement pour aller sur le terrain défendre une réforme toujours massivement rejetée par 7 Français sur 10. À l’avant-veille de la quatrième journée de manifestation appelée par l’intersyndicale, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin se sont ainsi rendus hier à Neuville-en-Ferrain, dans le Nord, Olivier Dussopt à Toulouse, où il a notamment rencontré six lecteurs de La Dépêche du Midi au siège de notre journal pour répondre à leurs questions et leurs inquiétudes. Celui qui enchaîne à un rythme soutenu les interviews dans les matinales et défend depuis lundi son texte devant une Assemblée nationale survoltée s’est montré tel qu’en lui-même : un moine-soldat de la macronie. Moine, parce que le ministre connaît sur le bout des doigts le catéchisme de la réforme, son dogme du r

L'indécence et la dignité

C’est sans doute parce qu’elle avait le souriant visage de l’enfance, cheveux blonds et yeux bleus, parce qu’elle aurait pu être notre fille ou notre nièce, notre petite sœur ou notre cousine, une camarade ou la petite voisine. C’est pour toutes ces raisons que le meurtre barbare de la petite Lola a ému à ce point la France. Voir le destin tragique de cette bientôt adolescente qui avait la vie devant elle basculer à 12 ans dans l’horreur inimaginable d’un crime gratuit a soulevé le cœur de chacune et chacun d’entre nous. Et nous avons tous pensé à ses parents, à sa famille, à ses proches, à ses camarades de classe, à leur incommensurable douleur que notre solidarité bienveillante réconfortera mais n’éteindra pas. Tous ? Non, hélas. Dans les heures qui ont suivi le drame, certains ont instrumentalisé de façon odieuse la mort de cette enfant pour une basse récupération politique au prétexte que la suspecte du meurtre était de nationalité étrangère et visée par une obligation de quitter l

Bien manger

C’est un petit logo qui nous est devenu familier lorsque nous faisons nos courses. Impulsé par un règlement européen (INCO) de 2014, établissant des règles pour informer les consommateurs sur la déclaration nutritionnelle ou la liste des ingrédients d’un produit, le Nutri-Score, ses cinq lettres de A à E et ses cinq couleurs de vert à rouge, est désormais bien ancré dans le paysage. De plus en plus présent sur le devant des emballages, on peut même dire que c’est un succès européen puisqu’il est présent non seulement en France, qui l’a introduit en 2017, mais également en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Espagne et même en Suisse, qui ne fait pourtant pas partie de l’Union européenne. Face à des étiquettes qui livrent la composition des produits écrite en tout petits caractères difficilement lisibles, certains consommateurs s’étaient déjà tournés vers des applications comme Yuka. Avec un smartphone, il suffit alors de scanner le code-barres d’un produit pour en a