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La clé du conflit

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L’ « opération spéciale » lancée par Vladimir Poutine le 24 février pour « libérer » les Ukrainiens du Donbass et au-delà, et « dénazifier » un pays prétendument aux mains de dirigeants corrompus devait être une Blitzkrieg rondement menée : en trois jours le pays devait tomber. Las ! Trois mois plus tard, la guerre qu’a déclenchée le maître du Kremlin est toujours bien présente avec son cortège d’horreurs et de malheurs, de crimes de guerre et de destructions de villes entières, véritablement rasées, de millions de réfugiés jetés sur les routes de l’exil et de morts par centaines. Vladimir Poutine pensait pouvoir réitérer ce qu’il avait fait en Crimée en 2014, une invasion militaire express sans résistance et la mise devant le fait accompli de la communauté internationale, qui n’avait alors que mollement protesté avec des sanctions économiques et financières quasiment indolores. Mais le président russe a sans doute préjugé de ses forces et mal compris que le monde qu’il rêve depuis longtemps de ramener à la situation simple des blocs est-ouest de la Guerre froide, telle que l’avait connue ce maître-espion du KGB dans la puissante URSS, a bien changé. De fait, les plans de Poutine se sont effondrés les uns après les autres.

Militairement, il s’est heurté à l’incroyable résistance des soldats et du peuple ukrainiens galvanisés par le président Volodymyr Zelensky, cet ancien acteur devenu héros national, en même temps que son armée subissait d’humiliantes pertes, humaines et matérielles, et voyait sa progression freinée par des dysfonctionnements logistiques majeurs. Poutine pensait aussi effrayer l’Otan voire l’entraîner dans le conflit pour justifier sa guerre. Il a au contraire ressuscité l’Alliance atlantique qu’Emmanuel Macron jugeait en mort cérébrale : elle se tient à distance mais livre des armes essentielles aux Ukrainiens, et la Suède et la Fnlande sont désormais candidates pour y adhérer.

Diplomatiquement, il pensait diviser les Européens, cette union à 27 dont nombre de pays sont dépendants de son gaz et de son pétrole. Rarement l’Europe aura au contraire été aussi unie pour adopter des sanctions visant la Russie. Et même s’il reste encore des divergences sur un embargo strict des importations d’énergies russes, la réponse européenne a été rapide et ferme.

Économiquement, Poutine s’était préparé depuis 2014 à faire face à de nouvelles sanctions et force est de constater que celles visant les banques, l’économie ou les oligarques n’ont pas totalement grippé l’économie russe. Mais sur le long terme, surtout si un embargo sur les énergies entre en vigueur, la Russie se trouvera de plus en plus isolée.

Médiatiquement enfin, dans la guerre d’image qui l’oppose à Volodymyr Zelensky, Poutine a perdu la partie. Le président ukrainien, qui maîtrise comme personne sa communication destinée au monde ou à sa population, est devenu le défenseur n° 1 de la liberté et de la démocratie. Le président russe au contraire s’enferme dans les images d’une propagande orchestrée de main de fer en Russie, mais qui commence à se lézarder, ce qui est mauvais signe pour les dictatures…

Dès lors, les jours à venir sont capitaux : en concentrant tous ses efforts sur le Donbass, Poutine pourrait décrocher enfin une victoire. Voudra-t-il alors s’asseoir à la table des négociations pour mettre un terme à l’ «opération spéciale » ? Ou prolonger encore une guerre qu’il n’est pas sûr de gagner ? Malgré tous ses échecs, Vladimir Poutine est bien le seul à détenir la clé de la fin du conflit.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 27 mai 2022)

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