Lorsqu’Emmanuel Macron a été élu en 2017 sur le mantra du « en même temps », le jeune président « et de droite et de gauche » avait devant lui un vaste champ des possibles. Ne disposant pas de compagnons de route qui l’auraient accompagné pendant des décennies comme ce fut le cas pour tous ses prédécesseurs, Emmanuel Macron, libre et disruptif, surprit son monde en choisissant un parfait inconnu du grand public : le maire Les Républicains du Havre, Edouard Philippe. Trois ans plus tard, pour impulser un nouveau souffle censé incarner l’après-Covid et surtout pour stopper l’insolente popularité d’Edouard Philippe qui dépassait la sienne, Emmanuel Macron a encore une fois surpris tout le monde en choisissant, en juillet 2020, l’exact contraire de son Premier ministre : Jean Castex, certes haut fonctionnaire efficace connaissant les arcanes du pouvoir sur le bout des doigts, mais surtout élu local de droite madré à l’accent chantant.
Jamais deux sans trois et Emmanuel Macron, qui travaille depuis le lendemain de sa réélection à la constitution du premier gouvernement de son second quinquennat, devrait, une fois encore, surprendre les Français. Le Président, qui n’aime rien tant qu’être là où on ne l’attend pas, doit d’ailleurs s’amuser de l’agitation politico-médiatique qui, depuis dimanche 24 avril, se perd en pronostics pour savoir qui ira à Matignon. Au gré de ses déplacements, Emmanuel Macron distille avec gourmandise quelques indices sur les caractéristiques du profil recherché, « attaché à la question sociale, à la question environnementale et à la question productive », avant de brouiller les pistes en rappelant que « Jean Castex venait de la droite. Il a mené une des politiques les plus sociales des dernières décennies »…
Mais le portait chinois que dessine le Président et qui s’apparente pour tous les prétendants rêvant du poste à un supplice chinois – qui est aussi imposé aux Français – masque un véritable casse-tête. Après cinq ans de pouvoir, des crises majeures qui ne sont pas encore terminées et un pays fracturé comme jamais avec un niveau de défiance envers la politique rarement atteint, l’équation de Matignon est plus complexe que jamais pour un Président qui rechigne à déléguer. Le futur locataire de Matignon devra être une personnalité à la fois capable d’incarner la « nouvelle méthode » de gouvernance promise par Emmanuel Macron, être suffisamment consensuelle et rassembleuse pour apaiser le pays, douée d’une vraie capacité d’écoute pour les Français, les corps intermédiaires et les élus locaux, maîtriser tous les dossiers, mais aussi être le chef d’une majorité présidentielle qui pourrait être aussi diverse que pléthorique. Et surtout, le Premier ministre doit avoir la totale confiance du Président et ne pas lui faire de l’ombre… On comprend dès lors que trouver la perle rare relève du défi.
Il y a en revanche un élément qu’Emmanuel Macron pourrait privilégier : nommer une femme à Matignon. Même s’il souhaite privilégier avant tout les compétences, le Président, qui s’y était dit favorable, ne peut pas ignorer que l’idée fait son chemin dans l’opinion. Une génération après Edith Cresson, il est effectivement plus que temps de franchir le cap.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 2 mai 2022)