Il n’y a pas si longtemps, le top départ des épreuves du baccalauréat était donné par la philosophie mi-juin. Mais cette année, c’est dès ce mercredi que les lycéens vont entrer dans le « tunnel » des séances d’examen avec les épreuves de spécialité, introduites par la nouvelle formule du baccalauréat née de la réforme de Jean-Michel Blanquer en 2018. Histoire-géo, littérature, mathématiques, numérique et sciences informatiques, théâtre ou encore arts plastiques pour la filière générale ; sciences et technologies de la santé et du social, de l’hôtellerie et de la restauration ou du design et des arts appliqués pour la voie technologique. Décalées de mars à mai, ces épreuves, qui sont une première pour les lycéens, illustrent aussi combien la réforme Blanquer n’a cessé d’être bousculée par l’épidémie de Covid-19. Le ministre, en effet, a sans cesse été contraint d’ajuster sa réforme et ses points les plus sensibles comme le grand oral ou la part de contrôle continu. À telle enseigne que ce bac 2022 s’est grandement éloigné du projet initial – déjà très contesté par les syndicats d’enseignants – et s’est attiré de nouvelles critiques au sein même de la majorité, notamment sur l’absence des mathématiques dans le tronc commun, dont même Emmanuel Macron a reconnu qu’il s’agissait d’une erreur qu’il faudrait rapidement corriger.
La réforme du bac – institution républicaine et monument national auxquels les Français restent très attachés – semblait pourtant pertinente. D’une part parce que les mathématiques avaient pris trop de poids dans l’orientation des élèves par rapport à d’autres matières et, surtout, parce que la France se retrouvait depuis trop longtemps dans le bas des tableaux des classements internationaux, alors même que le budget de l’Éducation nationale est l’un des premiers de la Nation et que les professeurs ne ménagent pas leur peine. Mais l’absence de réelle d’écoute du terrain de la part du ministre ; le choix d’un contrôle continu qui reste soumis à l’arbitraire bien plus qu’une épreuve nationale finale ; la mise en place d’un grand oral pour lequel certains élèves n’ont pas l’aisance nécessaire ; et enfin l’amoindrissement de la part de mathématiques alors même que la France est historiquement un pays qui a donné les meilleurs mathématiciens au monde, tout cela fait qu’il faudra vraisemblablement revoir la copie du bac.
Emmanuel Macron a promis de faire de l’Éducation un axe majeur de son nouveau quinquennat. Ses propositions, notamment l’autonomie des établissements ou l’évolution de la rémunération des enseignants, ont d’ores et déjà jeté un froid chez les enseignants qui attendent du futur ministre de l’Éducation que cette dernière conserve un caractère national, notamment pour le bac.
D’ici là, les lycéens qui vont plancher ce matin sur leurs épreuves et qui se demandent quelle sera la valeur de leur bac, que certains estiment « donné », méritent toute notre bienveillance et nos encouragements. Car même réformé, même empêché par la crise sanitaire, le bac reste un rite initiatique important, la première étape de leur entrée dans la vie d’adulte.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 10 mai 2022).