C’est un vieux débat que celui de l’énergie nucléaire qui revient dans l’actualité avec une nouvelle donne provoquée par une crise sanitaire inédite qui a fait bondir la demande et donc les prix de l’énergie, et une crise climatique majeure qui pousse le monde à revoir ses mix énergétiques en privilégiant ceux qui permettent de lutter contre la pollution et le réchauffement du climat.
Ce débat nucléaire entre pro et anti, radical et parfois brutal, a longtemps été celui de bloc contre bloc. Né après la fin de la Seconde Guerre mondiale et les bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki, le mouvement anti-nucléaire s’est intensifié dans les années 70 lorsque, après le choc pétrolier, le programme français est monté en puissance pour construire les quelque 54 réacteurs que nous connaissons. Les pro et les anti-nucléaire se sont alors affrontés entre considérations énergétiques et industrielles d’un côté – soutenir une filière d’excellence française et fournir de l’électricité au meilleur prix aux Français – environnementales et de santé publique de l’autre – dénoncer l’accumulation de déchets radioactifs et les risques d’accidents susceptibles de polluer irrémédiablement l’environnement et d’attenter à la santé des Français. Bataille de chiffres, accusation de dissimulation ou de manipulation, intrusion de militants dans les centrales lors d’actions coup de poing, intense lobbying des sphères politiques, etc. Pas de place à la nuance…
Ces dernières années, le débat paraissait pourtant s’être émoussé face aux promesses des énergies renouvelables, photovoltaïques et surtout éoliennes. Démanteler les centrales vieillissantes paraissait logique et l’accident de Fukushima en 2011 a tenu le nucléaire en piètre estime dans l’opinion publique. Dix ans plus tard, la situation a radicalement changé : les éoliennes font l’objet de vives polémiques, accusées d’enlaidir le paysage ou d’être plus coûteuses qu’efficaces, et le nucléaire apparaît comme l’énergie décarbonée par excellence et le garant de notre indépendance énergétique et de notre souveraineté économique.
Ce retour en grâce du nucléaire n’est d’ailleurs pas propre à la France, il est mondial : l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) vient même de relever ses projections pour la première fois depuis 2011 en prévoyant un doublement de la puissance installée d’ici à 2050. Et alors qu’Emmanuel Macron veut relancer les projets nucléaires, notamment les petits réacteurs, la Commission européenne doit dire en janvier si elle classe le nucléaire… comme énergie verte.
Ce retournement de situation ne doit toutefois pas faire oublier une réalité beaucoup plus complexe : d’un côté le coût de la surveillance des centrales vieillissantes va augmenter, les EPR à venir seront eux aussi très coûteux et surtout, on ne peut pas miser uniquement sur le nucléaire. Dans son dernier rapport « Futurs énergétiques 2050 » où étaient étudiés six scénarios de mix énergétiques pour l’avenir (dont le 100 % renouvelables et 0 % nucléaire), RTE estime que pour répondre aux besoins de demain, nous aurons besoin et du nucléaire et des énergies renouvelables.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 30 décembre 2021)