En annonçant vendredi soir la volonté du gouvernement de transformer d’ici fin janvier le pass sanitaire en pass vaccinal, c’est-à-dire accessible aux seules personnes vaccinées contre le Covid-19 ou guéries de celui-ci, c’est peu dire que le Premier ministre Jean Castex a surpris son monde. Mais face à la 5e vague de l’épidémie et, surtout, face au variant Omicron, véritable vague dans la vague à la progression fulgurante, l’exécutif a pris un pari sanitaire aux effets très politiques.
Pari sanitaire car face aux menaces, le simple rappel du respect des gestes barrière en famille autour de la table de Noël ne suffisait évidemment pas. Alors que la France, pays parmi les plus vaccinés au monde, semble pour l’instant mieux tirer son épingle du jeu, l’exécutif a choisi de faire monter en puissance la principale arme dont nous disposons face au coronavirus : la vaccination, qui atténue les transmissions et évite de développer une forme grave de la maladie.
Après la dose de rappel puis l’élargissement imminent de la vaccination aux enfants, le gouvernement a choisi d’accentuer encore la pression sur les quelque 5 à 6 millions de Français toujours pas vaccinés, avec l’outil du pass vaccinal. Que l’on y voit « une obligation vaccinale déguisée » comme le concède Olivier Véran ou « une forme de semi-confinement des personnes qui ne sont pas vaccinées », comme le dit le Pr Alain Fischer, le résultat est le même : il est temps d’en finir avec les mauvaises raisons du refus de la vaccination qui, par égoïsme, fragilise la santé de tout un pays. Après des millions d’injections partout dans le monde, des centaines d’études sur les effets secondaires potentiels, les doutes légitimes et les théories complotistes des débuts n’ont plus lieu d’être : les vaccins ont montré toute leur efficacité contre le Covid-19. L’écrasante majorité des patients en réanimation dans les hôpitaux – dont certains regrettent amèrement leur refus passé – sont d’ailleurs des non-vaccinés, au grand désespoir de soignants épuisés par bientôt deux années d’épidémie.
L’avènement d’un pass vaccinal en France, mais aussi vraisemblablement dans de nombreux autres pays, apparaît inéluctable et recueillera sans doute l’approbation des populations fatiguées par le Covid. Mais le projet de loi devra aussi préciser les contours de l’application du pass vaccinal et sa compatibilité avec les libertés individuelles, certes amoindries mais au nom de l’intérêt général. Le Conseil constitutionnel que certains rêvent de supprimer est là pour s’en porter garant.
Pour Emmanuel Macron, l’introduction du pass vaccinal, pari sanitaire, aura en tout cas aussi des effets politiques en anesthésiant les autres actualités. Fini les débats ad nauseam sur les questions identitaires et l’immigration, secondaires les bisbilles sur l’union de la gauche, reporté le bilan du quinquennat : à l’heure des réveillons sous masques, le Covid occupera tous les esprits et à quatre mois de l’élection présidentielle et quelques jours des vœux présidentiels, il replace le chef de l’Etat non seulement au centre du jeu politique, mais en surplomb de celui-ci.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 21 décembre 2021)