Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, les enfants ont constitué comme une énigme pour les scientifiques. La compréhension de leur rôle dans la transmission du coronavirus était particulièrement délicate, nombre d’études scientifiques semblant se contredire. Tantôt potentiels supercontaminateurs auprès de leurs proches dans le cercle familial ou scolaire, tantôt quasi-indifférents au Covid-19 ; tantôt ne développant que des formes bénignes de la maladie, tantôt subissant, comme certains adultes, des Covid longs éprouvants, les enfants face au coronavirus restaient un mystère.
Mais au fil des mois et des études scientifiques notre compréhension s’est affinée. Si les jeunes enfants apparaissent moins souvent malades et transmetteurs que les adolescents ou les adultes et si le pourcentage d’enfants infectés et à l’origine de transmission semble moins important que chez l’adulte, en cas de circulation très active du virus et donc d’un nombre de cas très élevé, ce faible pourcentage peut être à l’origine d’un nombre non négligeable de cas, selon la Société française de pédiatrie (SFP), qui compile toutes les études depuis mars 2020.
L’arrivée du variant Delta, très contagieux, confirme ainsi largement cette analyse avec une explosion actuelle des cas : le nombre de contaminations a augmenté de 34 % en sept jours chez les élèves et le taux d’incidence chez les 6-10 ans se rapproche désormais des 1 000 cas pour 100 000 à l’échelle nationale. Du jamais vu.
Étonnamment, ces chiffres alarmants n’inquiètent pas le ministre de l’Education nationale. « On ne peut pas dire qu’il y ait une explosion (de l’épidémie chez les enfants), le mot est trop fort, il y a un taux d’incidence qui est en train d’augmenter », affirmait hier contre l’évidence Jean-Michel Blanquer, qui estime que « ce qui a explosé, c’est le nombre de tests faits pour les enfants. » Derrière ce déni, qui exaspère les enseignants, se trouve la farouche volonté de l’exécutif de tenir l’objectif de ne surtout pas fermer les écoles. D’où le renoncement à fermer les classes dès le premier cas positif ou encore à avancer les vacances de Noël d’une semaine, au grand soulagement de certains parents.
Nul ne conteste les ravages provoqués par les confinements passés et les cours à distance sur le niveau des élèves et leur état psychologique. Les effets de l’école à la maison et les décrochages qui s’en sont suivis ont largement été documentés. Mais face à une cinquième vague redoutable devant laquelle les enfants sont les moins protégés, impossible de négliger la priorité sanitaire.
À l’instar d’autres pays, la France va ainsi entamer la vaccination de quelque 6 millions d’enfants de 5 à 11 ans. Une vaccination qui suscite légitimement de nombreuses questions chez les parents mais qui, aujourd’hui, apparaît inéluctable. Pour l’exécutif, un nouveau pari, celui de concilier en même temps les exigences sanitaires et éducatives.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 8 décembre 2021)