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Stopper le fléau

carcassonne


On pensait jusqu’à présent que les règlements de comptes entre bandes rivales sur fond de trafics de stupéfiants ne concernaient que les grandes agglomérations, Marseille en tête. D’ailleurs, la cité phocéenne a, une nouvelle fois, été marquée ce week-end par la mort d’un homme de 30 ans, tué par balles dimanche soir dans une rue du 15e arrondissement, au nord de la ville. Le drame qui s’est joué dans le quartier Grazailles à Carcassonne, dimanche soir aussi, et s’est soldé par la mort de deux jeunes âgés de 18 et 20 ans, nous rappelle – si tant est que l’enquête en apporte la démonstration dans les heures à venir – que ces vendettas entre malfaiteurs peuvent survenir partout. Des vendettas de plus en plus violentes et parfois meurtrières qui se déroulent sous les yeux de riverains impuissants. Ces derniers subissent au quotidien les conséquences dramatiques de ces trafics qui ont foncièrement évolué.

« Il existe un lien très fort entre la violence et les stupéfiants. L’an passé, les violences entre trafiquants ont fait plus de 250 blessés, dont la moitié ont moins de 25 ans, et 60 morts », détaillait au printemps le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui a fait de la lutte contre la drogue – « cette merde » selon l’expression qu’il emploie souvent – une priorité du gouvernement.

C’est que, selon les statistiques du ministère de l’Intérieur qui permettent de dresser un état des lieux des règlements de comptes en France depuis 1996, on constate une augmentation du nombre de morts par règlement de comptes depuis 2010 : de 45 cette année-là, on est passé à 100 en 2020. Cette violence souvent cyclique s’explique par divers facteurs – guerre de territoires entre cités, luttes d’influence internes – qui ont toutefois tous à voir avec le poids économique croissant du trafic de drogue : la rentabilité des points de deal qui brassent entre 20 000 et 80 000 euros en liquide par jour et la « militarisation » du trafic avec des dealers qui se sont beaucoup armés ces dernières années. « En novembre 2019, quand on démantelait un trafic, 8 % des personnes interpellées étaient porteuses d’armes à feu. Aujourd’hui, c’est 22 % », expliquait Gérald Darmanin à l’heure où acheter une Kalachnikov ne présente aucune difficulté pour certains sur le DarkWeb ou dans la rue…

Comment endiguer ce fléau, casser la dynamique de ces violences ? Il n’existe pas de solution toute faite, mais tous les acteurs s’accordent à dire qu’il faut à la fois des moyens et une meilleure coordination. Des moyens en termes d’effectifs de police sur le terrain, de douaniers pour les saisies, de magistrats pour faire appliquer la loi – le maire de Marseille propose un parquet national dédié – mais aussi de soutien aux associations qui, dans des quartiers souvent frappés par un fort chômage, tentent d’offrir aux jeunes de vraies perspectives autres que l’économie souterraine de la drogue. Enfin, cette mobilisation devra aussi se faire avec la prise de conscience chez les consommateurs que derrière leurs stupéfiants, il y a non seulement de ravageuses addictions mais aussi un trafic qui aujourd’hui tue…

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 2 novembre 2021)

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