Le 15 mars 2021, lors d’un sommet franco-espagnol à Montauban, Emmanuel Macron, qui s’est toujours voulu « maître des horloges » depuis son accession à l’Elysée, le concédait : « Le maître du temps, c’est le virus, malheureusement ». Aujourd’hui, à cinq mois de l’élection présidentielle et alors qu’approche une 5e vague de l’épidémie de Covid – qui pourrait faire 500 000 morts cet hiver en Europe selon l’Organisation mondiale de la santé – c’est encore le virus qui pourrait fixer l’agenda politique des prochaines semaines. Cette 5e vague est évidemment contrariante pour Emmanuel Macron qui souhaitait parler d’autres choses que de la crise sanitaire : plan de relance, écologie, réindustrialisation, pouvoir d’achat. Bref avenir et monde d’après. Las ! Le voilà contraint de renouer dès demain soir avec les allocutions solennelles qui ont rythmé la 2e partie de son quinquennat et de reparler vaccin et restrictions sanitaires.
Pour autant, s’il n’est plus – pour l’instant – le maître des horloges, le président de la République est arrivé à l’heure des choix qu’ont connue tous ses prédécesseurs : à quel moment annoncer sa candidature à un second mandat, qui ne fait plus guère de doute ? Tôt ou tard ?
Tôt pour entrer dans l’arène et répondre aux attaques, parfois outrancières, de ses adversaires. Notamment celles – critique classique – accusant le Président, qui a effectué 28 déplacements depuis la rentrée, de faire campagne aux frais de l’Etat et de sortir abondamment le carnet de chèque pour une kyrielle de mesures. Dans la majorité présidentielle, certains trépignent de livrer bataille, défendre le bilan et le Président, et rendre coup pour coup. En attendant, les appétits s’aiguisent pour occuper les postes clés de la campagne, sous l’œil attentif d’Emmanuel Macron qui a toujours été adepte du darwinisme en politique… Mais partir trop tôt, c’est descendre du piédestal qu’offre à Emmanuel Macron l’Elysée et renoncer à la situation forcément confortable d’être au-dessus de la mêlée. Une mêlée marécageuse, dont on ne connaît pas encore tous les protagonistes, mais qui brasse déjà bien des idées nauséabondes quand ce n’est pas du vent.
Partir tard alors à la façon d’un François Mitterrand en 1988 qui se déclare le 22 mars un mois avant le scrutin ? Une campagne éclair d’un mois à peine, en mode Blitzkrieg, façon seul contre tous avec l’idée de rassembler un camp de la raison face aux populistes et aux démagogues. Périlleux, car 2022 n’est pas 1988 : l’évidence mitterrandienne ne peut être dupliquée à l’heure des réseaux sociaux et des chaînes d’information en continu qui imposent un rythme effréné entre clashs et buzz, et une communication tous azimuts épuisante… Parti tard le 15 février 2012, Nicolas Sarkozy, qui avait voulu s’inspirer de François Mitterrand, avait estimé qu’il lui avait manqué 15 jours…
Tôt ou tard ? Certains tablent sur une fenêtre de tir fin janvier-début février, après le lancement de la présidence française de l’Union européenne. À moins qu’Emmanuel Macron ne suive ce qui a fait sa marque de fabrique, : être là où on ne l’attend pas…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 8 novembre 2021)