Vingt mois désormais après le début de l’épidémie de Covid-19, il est peut-être encore trop tôt pour savoir comment va évoluer le marché de l’immobilier en France, quelles seront les dispositions des banques et les taux des prêts immobiliers ou quelle forme prendra la reprise. Car avant l’épidémie, ce secteur nous a souvent habitués à jouer du yoyo. Pour autant la pandémie mondiale a bouleversé notre rapport au logement. L’assignation à résidence pour freiner l’épidémie lors des confinements de 2020 et 2021 a, d’évidence, fait cogiter tous ceux qui ne disposaient pas d’une agréable maison avec jardin mais d’un appartement trop exigu et parfois sans balcon. La possibilité du télétravail a permis à certains de se projeter ailleurs, dans une maison hors du centre-ville, voire dans ces villes moyennes longtemps victimes de l’exode vers les métropoles et aujourd’hui redécouvertes pour leur qualité de vie. De nouveaux critères ont émergé pour imaginer son chez-soi : un coin pour jardiner, un coin pour télétravailler ou un coin pour bricoler.
Dans cette nouvelle donne immobilière, les régions tirent incontestablement le marché comme vient de le montrer l’Insee. Au 3e trimestre de cette année, la hausse annuelle des prix de l’ancien s’est établie à 7,4 %, avec, en province, une envolée de 9,4 % des maisons, contre 4 % en Île-de-France. Un tel écart ne s’était plus vu depuis les années 90. Cet attrait pour la province saute aux yeux sur la carte que nous publions à partir des données de Meilleurs Agents : la façade atlantique connaît un boom spectaculaire – merci l’effet TGV – le littoral méditerranéen et la grande agglomération toulousaine qui déborde sur le Tarn-et-Garonne aussi.
Cet état des lieux de l’immobilier dessine peu à peu une France de l’après Covid, comme la dépeignent Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely dans leur livre « La France sous nos yeux » (Ed. Seuil). Ainsi, à la « France périphérique » et oubliée analysée par le géographe Christophe Guilluy en 2014 et après « l’Archipel français » décrypté en 2019 par Jérôme Fourquet, on passe à une France « hybride » dans laquelle de nouvelles connexions se font jour. Les frontières ne s’estompent pas encore totalement entre les territoires, mais les définitions de la métropole, de la banlieue, de la campagne, des zones périurbaines et de ceux qui y vivent deviennent plus complexes et plus mouvantes.
Accompagner ces mutations – qui inquiètent les uns et enthousiasment les autres – constitue un vrai défi pour les décideurs publics en termes d’aménagement du territoire. Repenser l’offre de transports et de mobilité, le partage de l’espace entre toutes les activités, l’urbanisme à rendre plus harmonieux et plus respectueux de l’environnement, la place des services publics, les besoins énergétiques et la transition écologique, ou encore la couverture numérique… Autant de dossiers qui devraient être au cœur de la campagne présidentielle qui s’annonce. On en est encore loin.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 25 novembre 2021)