À cinq mois de l’élection présidentielle, la chasse – et ses quelque 1,1 million de pratiquants-électeurs… – va-t-elle s’inviter dans la campagne électorale ? En tout cas elle est de nature à occuper le débat public avec la question de sa régulation qui revient sur le devant la scène après la survenue, ces dernières semaines, de plusieurs accidents de chasse très médiatisés.
Pour les écologistes, les associations de défense de l’environnement et de la faune et plus largement de simples citoyens adeptes de promenades en forêt ou de cueillette de champignons, la limitation des risques ne peut se faire qu’avec de nouvelles règles plus coercitives que celles incluses dans la réforme de 2019. L’interdiction de la chasse certains jours, le mercredi ou les week-ends, de meilleurs contrôles des armes et de leur utilisation sont des propositions qui rencontrent un certain écho dans l’opinion. Pour preuve, la pétition lancée par le collectif « Un jour un chasseur » a récolté plus de 100 000 signatures, provoquant l’ouverture d’une mission sénatoriale sur le sujet.
Pour les chasseurs, dont le nombre de permis a augmenté après un assouplissement de leur délivrance, les règles actuelles sont bien suffisantes et leur renforcement potentiel est vécu comme une véritable agression. Tout comme les décisions du Conseil d’Etat concernant l’interdiction des marginales chasses traditionnelles, décisions vécues comme une insulte à des traditions solidement ancrées dans les territoires ruraux.
Le Sénat, qui va auditionner tous les acteurs, aura bien du mal à faire émerger un consensus. Concilier la protection des espèces chassables dont certaines font l’objet d’inquiétudes quant à leur statut de conservation selon la liste rouge des espèces menacées de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) et la nécessaire régulation de certaines espèces comme les sangliers qui prolifèrent. Concilier la possibilité pour les Français de se promener dans la nature sans risquer d’être blessés ou tués par des tirs de chasse, et le droit de chasser qui, faut-il le rappeler, est devenu un acquis du peuple depuis la Révolution de 1789… Concilier enfin des fortes personnalités qui, à l’approche de la présidentielle, poussent leur revendication aussi loin que possible, quitte à jouer de la surenchère et des provocations.
Souvent présenté comme le Président des villes et des start-up, sans ancrage ni relais locaux dans la ruralité, Emmanuel Macron s’était très tôt rapproché des chasseurs, quitte à susciter l’incompréhension et une tonitruante démission de Nicolas Hulot. Mais le 4 octobre dernier à l’occasion de la Journée mondiale des animaux, le chef de l’Etat avait expliqué : « Tout le monde est attaché à la condition animale mais en même temps, nos compatriotes sont attachés à la ruralité et à des traditions ». Et Emmanuel Macron de refuser « d’opposer deux mondes »
C’est cet « en même temps » très macronien que la mission sénatoriale va devoir maintenant rechercher. Elle aura fort à faire pour trouver ce chemin de crête : ne pas banaliser les accidents de chasse qui ont légitimement ému l’opinion, et ne pas lancer des anathèmes contre des chasseurs dont la grande majorité respecte les règles.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 12 novembre 2021)