Des bébés que l’on met devant la télévision, des enfants qui ne lâchent pas leurs tablettes ou jouent sur le smartphone des parents, des adolescents qui passent plus de temps sur les réseaux sociaux qu’avec leurs amis à l’extérieur... L’étude menée par l’institut de sondages GECE, qui vient de paraître, montre combien les écrans et le numérique sont présents dans nos vies, de la toute petite enfance – 96 % des enfants sont connectés aux écrans dès 6 ans – aux portes de l’âge adulte. Une addiction qui s’est encore accentuée avec les confinements imposés par l’épidémie de Covid-19 qui a amené les élèves à utiliser davantage les écrans avec l’école à distance… Pour nombre de parents, d’enseignants et de médecins, il y a lieu de tirer le signal d’alarme car cette addiction aux écrans n’est pas sans conséquences sur la santé physique et mentale, et bien sûr sur les résultats scolaires des élèves.
La littérature scientifique sur le sujet est désormais bien établie, montrant ici combien le temps passé devant un écran plutôt que dans des activités physiques conduit à une sédentarité qui peut provoquer surpoids et obésité, sans parler des problèmes de vue. C’est bien pour cela que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de limiter à une heure maximum par jour le temps d’écran des enfants de 2 à 5 ans.
À ces problèmes de surexposition aux écrans s’ajoute aussi l’impact de ce qui est fait devant les écrans. Les réseaux sociaux, dont les algorithmes sont conçus pour passer toujours plus de temps avec eux, provoquent chez certains adolescents de graves problèmes psychologiques, une mauvaise estime de soi ou laissent se développer un insupportable cyberharcèlement contre lequel Emmanuel Macron lui-même s’est élevé ce jeudi à l’occasion de la Journée nationale contre le harcèlement scolaire. Là aussi, les révélations sur les pratiques des géants du web ont montré cette réalité.
Les divulgations de la lanceuse d’alerte Frances Haugen, ex-ingénieure de Facebook, ont révélé que la firme de Mark Zuckerberg savait qu’Instagram accentue les complexes corporels de 32 % des adolescentes utilisant l’application. Aux Etats-Unis, les procureurs généraux de huit Etats ont d’ailleurs annoncé jeudi une enquête sur la manière dont Instagram attire et influence les jeunes…
Il serait toutefois vain de ne voir derrière les écrans, les jeux vidéo ou les réseaux sociaux que des monstres menaçant la santé des enfants. Le numérique, lorsqu’il est maîtrisé, peut être une source d’épanouissement, une chance pour apprendre, découvrir, surmonter sa timidité, nouer des relations d’un continent à l’autre, développer de nouvelles compétences... L’étude du GECE montre d’ailleurs que les adolescents utilisent les écrans avec plus de modération qu’on ne le croit et sans négliger leur vie personnelle.
Dès lors, il appartient aux autorités, et particulièrement à l’école, de définir un cadre réglementaire aussi protecteur que stimulant, et aux parents d’être dans l’accompagnement pour que les enfants maîtrisent plutôt que subissent les écrans.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 20 novembre 2021)