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On est tous SAM

 

SAM
Photo Pierre Challier

La décision du tribunal de commerce de Toulouse de liquider la Société aveyronnaise de métallurgie (SAM) était attendue. Elle n’en constitue pas moins un coup dur pour les quelque 340 salariés de la fonderie qui voulaient croire jusqu’à la dernière minute – et avec eux la population – à un ultime délai pour pouvoir trouver une solution et ainsi préserver leur avenir.

Mais la liquidation de la fonderie aveyronnaise ne peut pas en rester là car elle va beaucoup plus loin que la triste chronique économique que vivent certaines entreprises. Elle pourrait même devenir, comme l’usine Whirlpool d’Amiens en 2017, un symbole à quelque mois de l’élection présidentielle de 2022.

Symbole, d’abord, du mépris des grandes entreprises pour leurs sous-traitants dont elles sont le client principal. Renault a fait savoir par communiqué qu’il ne jugeait pas « crédible » le projet de reprise de son sous-traitant porté par Alty-Sifa en dépit des garanties apportées notamment par la Région et l’Etat. Le constructeur était pourtant moins regardant quand il s’agissait de vérifier la crédibilité des dépenses pharaoniques de son ancien PDG Carlos Ghosn… On aurait attendu d’une entreprise française, surtout lorsqu’elle est porteuse d’une part du patrimoine industriel du pays, qu’elle donne une chance à la SAM.

Symbole ensuite de la duplicité de la parole publique. On sait depuis Lionel Jospin – qui réagissait alors à la fermeture de l’usine belge de Renault à Vilvorde – que « l’Etat ne peut pas tout ». Certes, nous ne vivons plus dans une économie administrée et l’Etat s’est souvent montré piètre gestionnaire. Mais quand même, lorsque d’une part on est actionnaire de Renault et que d’autre part on martèle matin, midi et soir, sa volonté de réindustrialiser la France et de faire de la souveraineté économique une priorité, le devenir de la SAM ne méritait-il pas d’être davantage défendu ? L’État a récemment réussi à convaincre Ascoval, sous pavillon allemand, de ne pas rapatrier des activités de son usine des Hauts-de-France et il ne pourrait pas convaincre une entreprise dont il est actionnaire de revoir sa position ? Difficilement… crédible.

Enfin, la liquidation de la SAM est le symbole de cet insupportable deux poids deux mesures dont souffrent encore trop de territoires qui subissent des décisions brutales concernant leur avenir et leur développement sur les transports, le médical ou l’économie, sans y être pleinement associés. Après les déboires de l’usine Bosch de Rodez, l’Aveyron est de ces territoires durement éprouvés. L’amertume concernant la SAM est d’autant plus vive que cette fonderie s’inscrit dans l’histoire économique douloureuse du bassin minier de Decazeville, où s’est construite une part de l’identité économique, politique, syndicale et sociale de la France.

Toutes ces raisons expliquent qu’à l’abattement des salariés succèdent désormais la colère et l’indignation légitimes de toute une région qui refuse d’écrire le mot fin à l’histoire et crie aujourd’hui « on est tous SAM. »

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 27 novembre 2021)

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