« Ce virus n’aime pas l’art de vivre à la française », avait résumé fin avril 2020 Emmanuel Macron en recevant en visioconférence depuis l’Elysée de grands chefs étoilés et les représentants d’un secteur de la restauration contraint à fermer ses établissements pour endiguer la première vague de l’épidémie de Covid-19. Un an plus tard, après avoir essuyé des couvre-feux et deux confinements, les bars et restaurants se préparent à la réouverture du 19 mai, en terrasses. Réouverture forcément complexe à mettre en œuvre entre la création et l’agrandissement d’espaces extérieurs, le réapprovisionnement des stocks, la cohésion à retrouver entre des salariés qui ne se sont parfois pas vus depuis des mois – certains qui ont quitté le métier doivent être remplacés non sans difficulté – et le respect du protocole sanitaire. Avec la crainte aussi que cette réouverture, comme à l’été 2020, ne dure qu’un temps avant une nouvelle vague et de nouvelles obligations de fermeture…
Si l’heure est à la « libération » tant attendue, elle n’est donc pas à l’euphorie car cette année épuisante a mis un coup au moral et à rude épreuve la solidité financière des bars et restaurants. Certes, les aides du « quoi qu’il en coûte » gouvernemental et celles des collectivités locales ont été bien utiles pour maintenir à flot les entreprises et pour aider à développer pour certaines une activité de click & collect ou de livraison de repas. Mais les mois à venir s’annoncent difficiles, et on sait que peut-être 40 % des cafés-restaurants pourraient in fine ne jamais se relever de l’épreuve du Covid-19 ; certains restaurateurs ont d’ailleurs décidé de jeter l’éponge ces dernières semaines. Au pays de la gastronomie, on mesure l’hécatombe que constitueront toutes ces faillites…
Raison de plus pour réussir la réouverture du 19 mai. Les Français, n’en doutons pas, seront au rendez-vous, tous les sondages montrent d’ailleurs que revenir au restaurant est dans leurs toutes premières priorités. Car s’il s’agit de sauver économiquement les établissements, il en va aussi de l’idée que l’on se fait de notre vie sociale. Du café crème du matin jusqu’au dîner en amoureux le soir, du déjeuner de travail au repas entre copains, du restaurant populaire de quartier à l’établissement étoilé, du café du commerce où l’on refait le monde à la grande brasserie où tout le monde défile, les cafés-restaurants font non seulement partie de notre culture nationale mais ils sont l’un des éléments irremplaçables de notre quotidien et de notre art de vivre. Les retrouvailles du 19 mai en seront sans nul doute la preuve.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 8 mai 2021)