C’est un court film de 59 secondes, aux allures de clip publicitaire pour compagnies aériennes ou offices de tourisme de pays ensoleillés. On y voit des Français rouvrir portes et fenêtres et retrouver le plaisir d’être ensemble, à la terrasse d’un restaurant, dans un cinéma, un musée, une salle de sport, un concert ou un stade. En surimpression, les dates des 3 et 19 mai, des 9 et 30 juin. Ce petit film décline en fait « l’agenda des réouvertures » tel que défini par Emmanuel Macron dans son interview à La Dépêche et à la presse régionale la semaine dernière.
Le chef de l’Etat l’a posté sur ses comptes de réseaux sociaux dimanche, commenté simplement d’un « Nous retrouver ». Le clip a été vu sur Twitter plus de 2,7 millions de fois… mais cette communication a fait grincer quelques dents, notamment chez les soignants qui luttent toujours dans des hôpitaux sous pression contre l’épidémie de Covid-19.
Une épidémie à un niveau toujours plus élevé que chez nos voisins européens et qui fait tout de même près de 250 décès chaque jour. Le film ne dit rien de cette réalité-là, ni même de la vaccination ; tout juste ajoute-t-il un astérisque sur sa dernière image renvoyant, comme au bas de page d’un contrat, à une condition aux réouvertures : « sauf situation sanitaire départementale dégradée ».
Emmanuel Macron pèche-t-il dès lors par optimisme ? Cède-t-il à la « positive attitude » que vantait en son temps Jean-Pierre Raffarin ? A l’heure où les variants du coronavirus restent préoccupants et peuvent – comme en décembre avec le variant anglais – provoquer une nouvelle flambée épidémique, le chef de l’Etat n’est-il pas trop confiant ? Pour l’heure, la décrue qui semble s’amorcer est lente, fragile mais réelle. Et ces derniers mois, les prévisions parfois catastrophiques et anxiogènes des épidémiologistes ne se sont pas toujours réalisées. De quoi conforter dans ses choix et ses paris Emmanuel Macron, qui s’est affranchi des seuls avis des scientifiques pour prendre en compte presque à égalité d’autres critères, économiques et sociaux notamment.
Surtout, si le chef de l’Etat tient à son double objectif de vaccination et de réouvertures, c’est qu’il sait qu’après plus d’un an de privation de liberté, les Français ont atteint les limites d’acceptabilité de ces contraintes et que, le moment venu, en sortie de crise et à l’heure de l’élection présidentielle, ils lui sauront gré d’avoir tenu ses engagements.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 6 mai 2021)