Mentionné dans l’histoire naturelle de Buffon éditée au XVIIIe siècle, le silure a vu son territoire s’agrandir notamment via des réintroductions par l’homme pour la pisciculture et la pêche. À la fin du XIXe siècle, il s’établit dans les fleuves d’Europe de l’Est avant d’arriver en France, colonisant la Saône dans les années 60 puis les bassins de la Seine, de la Loire et enfin de la Garonne dans les années 80. Le silure, à la tête démesurée, petits yeux et longues "moustaches", est ainsi devenu familier des Français, fascinant les adultes, effrayant les enfants et charriant nombre de mythes comme celui du Moyen-Age qui en fait un mangeur d’hommes – qu’il n’est évidemment pas.
Pourtant, derrière les records, les légendes et la mauvaise réputation qui colle à la peau de ce poisson considéré comme laid, l’étude du Silurus glanis peut être riche d’enseignements. D’abord pour mieux connaître les caractéristiques de ce poisson carnassier étonnant, capable de s’adapter à son milieu voire de modifier radicalement son comportement et son régime alimentaire. On se souvient de l’étude toulousaine qui a montré, en 2012 dans le Tarn, qu’il pouvait s’attaquer à des pigeons sur la berge de la rivière ! Ensuite pour mesurer scientifiquement s’il constitue un danger réel pour la biodiversité de nos rivières et notamment pour les poissons migrateurs. Certains considèrent le silure comme un super-prédateur capable d’avaler tout sur son passage, alose, lamproie ou saumon. D’autres au contraire estiment que le silure est le thermomètre de la santé de nos fleuves et rivières, bien davantage impactée par les activités humaines que par la présence de ce poisson géant.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 9 mai 2021)