Comme tout grand changement, l’instauration du prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source avait connu, on s’en souvient des hésitations avant de faire le grand saut. Mise en chantier pendant le quinquennat de François Hollande, cette réforme devait entrer en vigueur le 1er janvier 2018, mais Emmanuel Macron, une fois installé à l’Elysée, avait décidé de se donner un peu plus de temps pour mettre en œuvre ce prélèvement à la source redoutablement complexe, mais pourtant déjà en vigueur depuis longtemps chez plusieurs de nos voisins européens.
Le temps passant, fin août 2018, à quatre mois de l’échéance, le Président, craignant des bugs techniques et administratifs, avait laissé planer le doute sur un nouveau report et demandé à son ministre qui était dans les starting-blocks de faire d’ultimes vérifications… La réforme est finalement bel et bien entrée en vigueur, sans accrocs, le 1er janvier 2019… comme elle est entrée dans les mœurs.
Pour les contribuables qui paient l’impôt sur le revenu, le prélèvement à la source a incontestablement apporté plus de lisibilité, en temps réel, sur ce qui leur reste en net à la fin du mois à partir de leur salaire. Et pour l’Etat, la réforme a même permis de récupérer 2 milliards d’euros supplémentaires en coupant l’herbe sous le pied des petits (ou gros) fraudeurs à la déclaration de revenus… Cette année, la réforme franchit un nouveau cap avec la déclaration automatique des revenus pour près de 12 millions de foyers fiscaux, qui n’ont donc pas à envoyer par courrier ou via internet leur déclaration signée.
Deux ans après son entrée en vigueur, la réforme du prélèvement à la source – que Valéry Giscard d’Estaing avait tenté, en vain, de mettre en œuvre en 1973, tout comme Michel Rocard dans les années 90 au moment de la création de la CSG et Dominique de Villepin en 2006 – a levé toutes les réticences, notamment celle des chefs d’entreprise, artisans en tête, qui estimaient ne pas avoir à se transformer en "percepteurs d’impôts".
Cette réforme, approuvée rapidement par une large majorité de Français, a peut-être aussi permis de mieux comprendre la collecte de l’impôt et de renforcer le consentement à l’impôt. Depuis le début de la pandémie de Covid-19, la politique keynésienne du "quoi qu’il en coûte" permet aussi de voir plus concrètement où passent nos impôts. L’État-providence – que Joe Biden remet au goût du jour de façon spectaculaire aux Etats-Unis – peut ainsi s’appuyer sur des dispositifs de collecte plus clairs.
Reste que l’outil n’est pas une fin en soi et ne saurait seul déterminer une politique fiscale qui, en France reste l’une des plus imposante au monde selon le dernier rapport de l’OCDE, avec un taux de prélèvements de 46,6 %…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 24 mai 2021)