Accéder au contenu principal

Colères

 

sdf

Si les affaires de squat qui ont émaillé ces dernières années l’actualité suscitent autant de réactions fortes, de polémiques et d’émotions – plus que de raison – c’est parce qu’elles sont la résultante du choc de deux colères.

La première est celle des propriétaires qui se retrouvent dépossédés de leurs biens et sont plongés, particulièrement lorsqu’il s’agit de personnes âgées, dans une vraie détresse, eux dont la maison ou l’appartement – fut-il une résidence secondaire – constitue souvent le seul patrimoine, le fruit d’une vie de travail qu’ils veulent transmettre à leurs enfants. Confrontés à la lenteur de la justice, aux chausse-trappes d’une administration tatillonne et compliquée, ces petits propriétaires victimes – car ce sont rarement des millionnaires ou de grandes sociétés – s’épuisent, souvent seuls, dans des années de procédures coûteuses avant de récupérer leur bien.

De l’autre côté, il y a aussi une autre colère. Car au-delà des occupations qui peuvent être militantes, politiques et revendicatives, les squatteurs occupent les lieux vacants – ou qu’ils croient vacants – parce qu’ils n’ont souvent tout simplement pas le choix s’ils ne veulent pas être à la rue. Enferrés dans une précarité étouffante, qu’ils soient migrants ou citoyens frappés par l’exclusion sociale de plus ou moins longue date, ils sont confrontés à un mal-logement chronique qui mériterait plus d’attention.

Pour apaiser ces deux colères, il devrait y avoir une réponse de l’Etat et de la classe politique à la hauteur, c’est-à-dire une politique du logement réellement ambitieuse, une application stricte des lois votées, notamment celle du droit au logement opposable, et des expérimentations innovantes. Malheureusement, dans ce qui devrait être une priorité de la nation, on assiste trop souvent aux caricatures qui nourrissent les extrêmes, aux fausses promesses et à l’instauration de mesurettes gadget.

Gouverner c’est choisir dit-on. "Gouverner, c’est d’abord loger son peuple", rétorquait l’abbé Pierre, qui était, lui aussi, un homme en colère face à la misère. Il serait temps d’y réfléchir…

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 30 mai 2021)

Posts les plus consultés de ce blog

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

Vaccin et vigilance

La résurgence de la coqueluche en France comme ailleurs en Europe a de quoi inquiéter. En France depuis le début de l’année, un total provisoire de 28 décès a été rapporté à Santé Publique France, dont 20 enfants (18 de moins de 1 an) et 8 adultes (de 51 à 86 ans mais dont la coqueluche n’était pas indiquée comme première cause de décès). La circulation de la bactérie Bordetella pertussis, principale cause de la coqueluche, est si importante que les autorités s’attendent à de nouveaux cas à venir dans les prochains mois. Car la coqueluche est extrêmement contagieuse, une personne contaminée pouvant transmettre la maladie à 15 autres en moyenne… Et si elle a longtemps été considérée comme une maladie de la petite enfance, elle peut être sévère à tous les âges, voire mortelle pour les nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées. Ce n’est pas la première fois que l’on est confronté à une résurgence de la coqu...

En marche

    Depuis douze siècles des pèlerins convergent vers Saint-Jacques-de-Compostelle qui, avec Jérusalem et Rome, est l’un des lieux des trois grands pèlerinages de la Chrétienté. Mais ceux qui marchent aujourd’hui sur les chemins de Compostelle ne le font pas seulement au nom de leur foi et n’arrivent pas forcément à la destination finale en Espagne. Les pèlerins du XXI e  siècle ne font souvent qu’une partie seulement de l’itinéraire millénaire avec des motivations bien plus diverses. Passionnés de randonnée pédestre, amoureux des paysages ou des monuments qui jalonnent le parcours désormais bien balisé et en partie classé au patrimoine mondial de l’Unesco, certains cheminent seuls, en couple ou en groupe pour accomplir une promesse personnelle, honorer un proche, rencontrer d’autres pèlerins de toutes nationalités ou tout simplement pour se retrouver soi-même. Car la marche est bonne pour le corps et l’esprit. « Les seules pensées valables viennent en marchant...