Accéder au contenu principal

Colères

 

sdf

Si les affaires de squat qui ont émaillé ces dernières années l’actualité suscitent autant de réactions fortes, de polémiques et d’émotions – plus que de raison – c’est parce qu’elles sont la résultante du choc de deux colères.

La première est celle des propriétaires qui se retrouvent dépossédés de leurs biens et sont plongés, particulièrement lorsqu’il s’agit de personnes âgées, dans une vraie détresse, eux dont la maison ou l’appartement – fut-il une résidence secondaire – constitue souvent le seul patrimoine, le fruit d’une vie de travail qu’ils veulent transmettre à leurs enfants. Confrontés à la lenteur de la justice, aux chausse-trappes d’une administration tatillonne et compliquée, ces petits propriétaires victimes – car ce sont rarement des millionnaires ou de grandes sociétés – s’épuisent, souvent seuls, dans des années de procédures coûteuses avant de récupérer leur bien.

De l’autre côté, il y a aussi une autre colère. Car au-delà des occupations qui peuvent être militantes, politiques et revendicatives, les squatteurs occupent les lieux vacants – ou qu’ils croient vacants – parce qu’ils n’ont souvent tout simplement pas le choix s’ils ne veulent pas être à la rue. Enferrés dans une précarité étouffante, qu’ils soient migrants ou citoyens frappés par l’exclusion sociale de plus ou moins longue date, ils sont confrontés à un mal-logement chronique qui mériterait plus d’attention.

Pour apaiser ces deux colères, il devrait y avoir une réponse de l’Etat et de la classe politique à la hauteur, c’est-à-dire une politique du logement réellement ambitieuse, une application stricte des lois votées, notamment celle du droit au logement opposable, et des expérimentations innovantes. Malheureusement, dans ce qui devrait être une priorité de la nation, on assiste trop souvent aux caricatures qui nourrissent les extrêmes, aux fausses promesses et à l’instauration de mesurettes gadget.

Gouverner c’est choisir dit-on. "Gouverner, c’est d’abord loger son peuple", rétorquait l’abbé Pierre, qui était, lui aussi, un homme en colère face à la misère. Il serait temps d’y réfléchir…

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 30 mai 2021)

Posts les plus consultés de ce blog

Moine-soldat

Dans le marathon de l’examen de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, le calendrier a marqué une pause ce jeudi à l’occasion de la niche parlementaire du Parti socialiste. Une pause mise à profit par le gouvernement pour aller sur le terrain défendre une réforme toujours massivement rejetée par 7 Français sur 10. À l’avant-veille de la quatrième journée de manifestation appelée par l’intersyndicale, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin se sont ainsi rendus hier à Neuville-en-Ferrain, dans le Nord, Olivier Dussopt à Toulouse, où il a notamment rencontré six lecteurs de La Dépêche du Midi au siège de notre journal pour répondre à leurs questions et leurs inquiétudes. Celui qui enchaîne à un rythme soutenu les interviews dans les matinales et défend depuis lundi son texte devant une Assemblée nationale survoltée s’est montré tel qu’en lui-même : un moine-soldat de la macronie. Moine, parce que le ministre connaît sur le bout des doigts le catéchisme de la réforme, son dogme du r

L'indécence et la dignité

C’est sans doute parce qu’elle avait le souriant visage de l’enfance, cheveux blonds et yeux bleus, parce qu’elle aurait pu être notre fille ou notre nièce, notre petite sœur ou notre cousine, une camarade ou la petite voisine. C’est pour toutes ces raisons que le meurtre barbare de la petite Lola a ému à ce point la France. Voir le destin tragique de cette bientôt adolescente qui avait la vie devant elle basculer à 12 ans dans l’horreur inimaginable d’un crime gratuit a soulevé le cœur de chacune et chacun d’entre nous. Et nous avons tous pensé à ses parents, à sa famille, à ses proches, à ses camarades de classe, à leur incommensurable douleur que notre solidarité bienveillante réconfortera mais n’éteindra pas. Tous ? Non, hélas. Dans les heures qui ont suivi le drame, certains ont instrumentalisé de façon odieuse la mort de cette enfant pour une basse récupération politique au prétexte que la suspecte du meurtre était de nationalité étrangère et visée par une obligation de quitter l

Bien manger

C’est un petit logo qui nous est devenu familier lorsque nous faisons nos courses. Impulsé par un règlement européen (INCO) de 2014, établissant des règles pour informer les consommateurs sur la déclaration nutritionnelle ou la liste des ingrédients d’un produit, le Nutri-Score, ses cinq lettres de A à E et ses cinq couleurs de vert à rouge, est désormais bien ancré dans le paysage. De plus en plus présent sur le devant des emballages, on peut même dire que c’est un succès européen puisqu’il est présent non seulement en France, qui l’a introduit en 2017, mais également en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Espagne et même en Suisse, qui ne fait pourtant pas partie de l’Union européenne. Face à des étiquettes qui livrent la composition des produits écrite en tout petits caractères difficilement lisibles, certains consommateurs s’étaient déjà tournés vers des applications comme Yuka. Avec un smartphone, il suffit alors de scanner le code-barres d’un produit pour en a