Si les affaires de squat qui ont émaillé ces dernières années l’actualité suscitent autant de réactions fortes, de polémiques et d’émotions – plus que de raison – c’est parce qu’elles sont la résultante du choc de deux colères.
La première est celle des propriétaires qui se retrouvent dépossédés de leurs biens et sont plongés, particulièrement lorsqu’il s’agit de personnes âgées, dans une vraie détresse, eux dont la maison ou l’appartement – fut-il une résidence secondaire – constitue souvent le seul patrimoine, le fruit d’une vie de travail qu’ils veulent transmettre à leurs enfants. Confrontés à la lenteur de la justice, aux chausse-trappes d’une administration tatillonne et compliquée, ces petits propriétaires victimes – car ce sont rarement des millionnaires ou de grandes sociétés – s’épuisent, souvent seuls, dans des années de procédures coûteuses avant de récupérer leur bien.
De l’autre côté, il y a aussi une autre colère. Car au-delà des occupations qui peuvent être militantes, politiques et revendicatives, les squatteurs occupent les lieux vacants – ou qu’ils croient vacants – parce qu’ils n’ont souvent tout simplement pas le choix s’ils ne veulent pas être à la rue. Enferrés dans une précarité étouffante, qu’ils soient migrants ou citoyens frappés par l’exclusion sociale de plus ou moins longue date, ils sont confrontés à un mal-logement chronique qui mériterait plus d’attention.
Pour apaiser ces deux colères, il devrait y avoir une réponse de l’Etat et de la classe politique à la hauteur, c’est-à-dire une politique du logement réellement ambitieuse, une application stricte des lois votées, notamment celle du droit au logement opposable, et des expérimentations innovantes. Malheureusement, dans ce qui devrait être une priorité de la nation, on assiste trop souvent aux caricatures qui nourrissent les extrêmes, aux fausses promesses et à l’instauration de mesurettes gadget.
Gouverner c’est choisir dit-on. "Gouverner, c’est d’abord loger son peuple", rétorquait l’abbé Pierre, qui était, lui aussi, un homme en colère face à la misère. Il serait temps d’y réfléchir…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 30 mai 2021)