La crise sanitaire de la Covid-19 aura bouleversé nos vies comme l’organisation de notre société et l’un des faits majeurs provoqués par la pandémie aura sans nul doute été le recours au télétravail. Plébiscité par une large majorité de Français mais détesté par certains, le télétravail a débarqué dans nos vies professionnelles en mars 2020 alors même que cette pratique restait marginale, particulièrement en France où la culture très ancrée du présentéisme et les craintes sur un manque de productivité cantonnaient le télétravail à quelque 7 % seulement de salariés. Du jour au lendemain, pour endiguer la propagation du coronavirus, il a fallu s’y mettre, avec souvent beaucoup de système D pour pallier le manque de réseaux, de matériel ou de formation. Malgré cette précipitation, cela a fonctionné et les salariés – dont le métier permettait de le faire – ont découvert les joies et les difficultés du travail à domicile.
Les joies des débuts lorsqu’il s’est agi de trouver de nouvelles marques, se réjouir d’éviter les trajets domicile-bureau, se découvrir plus autonome et, très souvent, beaucoup plus productif. Les difficultés aussi lorsque le télétravail s’est fait avec la classe à la maison des enfants dans un appartement trop petit, à côté d’un conjoint avec lequel on n’avait pas l’habitude de vivre 24 heures sur 24, sans les liens informels avec les collègues à la machine à café ou avec une pression accrue d’un encadrement intermédiaire dérouté quant à sa propre utilité.
Cette année de télétravail a aussi accéléré la numérisation des entreprises françaises, activé une réflexion sur les organisations, redéfini les priorités personnelles et professionnelles des salariés et aussi redonné aux villes moyennes et aux campagnes un nouvel atout d’attractivité pour les télétravailleurs, pour peu qu’elles disposent de connexions à internet fiables. À l’heure où la règle du 100 % de télétravail préconisée par le gouvernement pour les entreprises qui le pouvaient va prendre fin le 9 juin avec la 2e phase du déconfinement, l’heure est désormais au bilan, tant pour les salariés que pour les employeurs et le moins qu’on puisse dire, c’est que le retour au bureau ne signera pas un retour à la vie professionnelle d’avant.
Entre le 100 % télétravail et le 100 % présentiel, il reste à inventer une forme hybride, flexible, presque à la carte, mêlant présence au bureau et plusieurs jours en télétravail. Cela ne pourra se faire qu’avec une vraie concertation entre patronat et syndicats. Mais cette réflexion peut être une chance, l’occasion de repenser les organisations pour les rendre plus efficaces et moins corsetées, plus créatives et moins uniformes.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 28 mai 2021)