Le 19 mai prochain, cela fera vingt-cinq ans que l’ourse slovène Ziva a été amenée devant les caméras dans les Pyrénées, sur la commune de Melles, en Haute-Garonne. Le 19 mai 1996, il s’agissait là du premier lâcher organisé dans le cadre d’un plan de réintroduction européen pour sauver l’ours brun, dont on ne comptait alors les représentants que sur les doigts des deux mains. Entre les éleveurs opposés à l’ours et les associations environnementales, le dialogue a très vite viré à la foire d’empoigne et aux caricatures. Bobos écolos contre paysans butés, défenseurs de la biodiversité contre partisans d’un maintien d’une activité pastorale ancestrale. Et gare à celui qui tardait à choisir son camp. Face à face, deux logiques, deux visions irréconciliables.
Ving-cinq ans plus tard il serait faux de dire que l’on en est au même point. La population d’ursidés a considérablement augmenté, l’image de l’ours et son impact touristique sont désormais consubstantiels aux Pyrénées. Et de l’autre côté les éleveurs se sont mieux organisés pour valoriser leur production, obtenir des labels de qualité qui font, là aussi, incontestablement, la marque et la fierté des Pyrénées.
Mais les deux camps se regardent toujours en chiens de faïence, prêts à rugir lorsqu’un ours est retrouvé mort ou des troupeaux attaqués, précipitant dès lors les gouvernements dans des abîmes de perplexité lorsqu’il s’agit de poursuivre le programme de réintroduction dans lequel la France s’est engagée.
L’ours des Pyrénées reste un dossier miné où la nuance peine à trouver sa place et où la cohabitation apaisée entre l’ours et l’homme – celle-là même qui marche si bien en Slovénie – paraît impossible en France.
Alors lorsqu’un nouveau Projet européen Life de protection de l’ours des Pyrénées est en approche pour être lancé en septembre prochain sur six ans, les esprits s’échauffent à nouveau et le bras de fer entre pro et anti repart de plus belle. Le plan, qui prévoit 8 millions d’euros, financés à 75 % par l’Europe, paraît pourtant équilibré : pérenniser une population viable d’ours bruns d’un côté, améliorer des corridors écologiques et les moyens de protection des troupeaux de l’autre, avec au centre la création d’un Centre de ressources sur l’ours et le lancement d’une médiation territoriale. Parviendra-t-elle à sortir de l’impasse ?
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 17 mai 2021)