C'est une révolution qui s'amorce et dont on ne mesure sans doute pas suffisamment les enjeux. Une révolution aussi importante que l'arrivée de l'imprimerie, de la machine à vapeur, celle de l'électricité ou de l'informatique, car elle transforme notre monde, ouvre des perspectives inédites pour l'humanité, et appelle dès à présent à relever de nouveaux défis. L'intelligence artificielle, puisque c'est d'elle dont il s'agit, n'en est qu'à ses débuts mais elle soulève déjà, particulièrement pour l'Europe et donc la France, de nombreuses questions politiques, éthiques, sociales, économiques, et de souveraineté numérique. L'intelligence artificielle, bâtie aujourd'hui sur des algorithmes fonctionnant avec les millions de données que nous produisons, suscite de l'inquiétude mais aussi de l'enthousiasme dans l'opinion, comme le montre le sondage Harris interactive réalisé pour Occitanie Data et Civiteo, dont nous publions les grandes lignes.
L'inquiétude, c'est celle, légitime, des citoyens de voir leurs données personnelles utilisées sans leur consentement, de façon opaque, transmises à des tiers publics ou privés pour des usages obscurs de ciblage publicitaire ou électoral, voire de surveillance. Les affaires de piratage de serveurs informatiques hébergeant des données confidentielles, le scandale Cambridge Analytica qui a touché des millions d'utilisateurs de Facebook, ou les projets de surveillance généralisée en Chine ou en Inde ont de quoi inquiéter.
Mais il y a aussi de l'enthousiasme chez ces mêmes citoyens, qui ne sont pas rétifs à la technologie et perçoivent bien l'intérêt de l'intelligence artificielle pour améliorer les transports, l'énergie, l'information ou la santé.
Dès lors, il convient de fixer un cadre dans lequel l'intelligence artificielle puisse se développer avec de solides garanties éthiques et de transparence. C'est tout le sens de la feuille de route de la nouvelle Commission européenne d'Ursula von der Leyen qui a fait du numérique un dossier prioritaire. Car l'Europe, face aux géants de la Tech américains et chinois, doit être en mesure de faire émerger ses champions technologiques et de porter une vision singulière de l'IA, conforme aux valeurs humanistes européennes. C'est aussi le sens de la stratégie française en faveur de l'intelligence artificielle qui, l'an passé, a placé ses objectifs sous le thème « L'IA au service de l'humain ». Et c'est aussi le sens, dans notre région, du nouvel institut de recherche toulousain Aniti, à la pointe de la recherche, et du travail d'Occitanie Data pour créer espace de confiance.
« Science sans conscience n'est que ruine de l'âme » disait Rabelais. L'intelligence artificielle est de ces avancées scientifiques qui ne peuvent se développer qu'avec une solide réflexion partagée sur les enjeux pour nos sociétés.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 23 octobre 2019)