Accéder au contenu principal

Nouvelle prohibition

votersforanimalrights


La décision de la ville de New York était attendue sans illusion par les producteurs. L'interdiction du foie gras votée hier dans la mégalopole américaine n'est donc pas une surprise, d'autant qu'elle fait suite à une autre interdiction prise en Californie. Et pourtant, cette décision, pour symbolique qu'elle soit, interroge car elle intervient dans un contexte particulier où les positions des uns et des autres se sont radicalisées au point d'être irréconciliables.

D'un côté, nous avons donc les défenseurs de la cause animale. Né dans les années 70 le mouvement antispéciste, c'est-à-dire ce courant de pensée philosophique et moral qui refuse de placer l'Homme au-dessus des autres espèces animales, est sorti de la confidentialité au fur et à mesure que se sont développés le végétarisme, le véganisme et la prise en compte du bien-être animal. Les divers scandales sanitaires qui ont touché l'agroalimentaire ces dernières années, les vidéos terribles des conditions d'élevage qui ont inondé les réseaux sociaux, mais aussi les nouveaux modes de vie et la volonté de surveiller davantage la provenance et la qualité des produits que l'on mange ont fait que la souffrance animale est devenue un important enjeu de société, ce dont on ne peut que se réjouir. Le foie gras, qui reste un produit de luxe, y ajoute aussi un côté lutte des classes susceptible de mobiliser un peu plus. Les associations comme Peta ou L214, passées maîtresses dans l'art du buzz, ont donc le vent en poupe pour peser sur le débat public. Elles ont le mérite d'avoir posé sur la table des problématiques qui étaient trop souvent tues et alimenté un vrai débat, qui quelquefois dérape en actions violentes.

De l'autre côté, nous avons des producteurs qui, pour la grande majorité, subissent les conséquences des mauvais comportements d'une minorité d'entre eux. Se conformant scrupuleusement à la loi, ces producteurs ont souvent au fil des ans revu leur façon de travailler, amélioré leur façon de traiter leur élevage, pris en compte le bien-être animal tout simplement pour répondre aux demandes des consommateurs. Ils vivent donc d'autant plus mal les critiques et cet insupportable agri-bashing qui fait des éleveurs et des paysans des boucs émissaires bien commodes.

Hier, la ville de New York a concédé la victoire, fort politique, aux premiers au détriment des seconds. Mais il s'agit d'une victoire à la Pyrrhus car en interdisant le foie gras, les élus new-yorkais prennent le risque de voir se développer des filières clandestines peu reluisantes qui n'ont que faire du bien-être des palmipèdes. Comme avec l'alcool dans les années 20, on sait d'expérience les limites de telles prohibitions… En attendant, peut-être, New York verra se rouvrir des speakeasy où les gourmets, à l'abri des regards, savoureront le foie gras, ce « suave mets, poids éperdu de nos délices » que chantait Pablo Neruda, dont l'« harmonie joue des cymbales sur nos langues et nous traverse tout entier d'un long frisson de volupté. »

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 31 octobre 2019)

Posts les plus consultés de ce blog

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Machine à cash et à rêves

Qui n’a jamais rêvé d’être un jour le gagnant du loto, que l’on soit celui qui joue depuis des années les mêmes numéros en espérant qu’un jour ils constituent enfin la bonne combinaison ou que l’on soit même celui qui ne joue jamais mais qui se projette malgré tout dans la peau d’un gagnant, énumérant ce qu’il ferait avec ces centaines de millions d’euros qui grossiraient son compte en banque. Chacun se prend ainsi à rêver de vacances éternelles au soleil, de voyages au long cours, de montres de bijoux ou de voitures de luxe, de yachts XXL naviguant sur des mers turquoise, de grands restaurants étoilés ou plus simplement de réaliser ses projets longtemps différés faute de financements, de l’achat de sa maison au lancement de son entreprise, ou encore de partager ses gains avec sa famille ou avec ses collègues avec lesquels on a cotisé pour acheter le bulletin. Le loto, c’est une machine à rêver à laquelle chacun s’est adonné une fois dans sa vie et qui rythme toujours le quotidien des ...

Facteur humain

  Dans la longue liste de crashs aériens qui ont marqué l’histoire de l’aviation mondiale, celui de l’Airbus A320 de la Germanwings, survenu le 24 mars 2015, se distingue particulièrement. Car si le vol 9525, reliant Barcelone à Düsseldorf, a percuté les Alpes françaises, entraînant la mort de 150 personnes, ce n’est pas en raison d’une défaillance technique de l’appareil ou d’un événement extérieur qui aurait impacté l’avion, mais c’est à cause de la volonté du copilote de mettre fin à ses jours. L’enquête, en effet, a rapidement révélé que celui-ci, souffrant de problèmes de santé mentale non décelés par les procédures en vigueur, avait volontairement verrouillé la porte du cockpit, empêchant ainsi le commandant de bord de reprendre le contrôle de l’appareil. Ainsi, ce crash singulier touche au point le plus sensible qui soit : la confiance des passagers dans les pilotes à qui ils confient leur vie. C’est pour cela que cette tragédie a eu un tel impact sur l’opinion publique et a...