En début d'année, Emmanuel Macron et Angela Merkel, fragilisés sur leur scène intérieure, entendaient bien redonner de la vigueur à la relation entre la France et l'Allemagne, en signant le traité d'Aix-la-Chapelle. Contesté dans les deux pays par l'extrême droite, qui y voyait une perte de souveraineté nationale, ce nouveau traité – qui prolongeait celui de l'Elysée conclu en 1963 entre de Gaulle et Adenauer – était censé renforcer la relation franco-allemande et envoyer un message de soutien à la construction européenne malmenée par la poussée des populistes et extrémistes. Politiques économique, étrangère, de défense, Assemblée parlementaire commune : le champ des collaborations était ambitieux.
Las, neuf mois plus tard, et après des élections européennes surtout marquées par une poussée verte, Emmanuel Macron et Angela Merkel apparaissent toujours fragilisés. Affectée par des interrogation sur sa santé, la chancelière Merkel, qui se prépare à laisser son poste à l'automne 2021, voit son pays confronté à un ralentissement économique et une crise identitaire inédite. Surfant sur la crise migratoire, l'extrême droite a fait son entrée au Bundestag et le pays a découvert la semaine dernière la violence de militants néonazis qui visaient une synagogue à Halle. À quelques jours du 30e anniversaire de la chute du Mur et de la réunification allemande, le pays doute de lui-même.
En France, la situation n'est guère meilleure pour Emmanuel Macron, confronté lui aussi à une extrême droite forte et à la crise sociale inédite des Gilets jaunes qui perdure. Le jeune président farouchement pro-européen n'a pas réussi à faire du groupe libéral Renaissance le pivot du Parlement et le fer de lance d'une nouvelle politique européenne, son ex-ministre gaffeuse Nathalie Loiseau n'a pas été en mesure d'en prendre la tête, et la candidature de Sylvie Goulard à la future Commission européenne a été massivement rejetée sur des questions d'éthique…
Dans ce contexte, le Conseil des ministres franco-allemand qui se tient aujourd'hui à Toulouse, ne peut être pour les deux dirigeants que l'occasion de rebondir afin de retrouver le souffle historique qui cimente au-delà des aléas politiques la relation franco-allemande. De Gaulle et Adenauer, Kohl et Mitterrand ont su surmonter craintes et différences pour transformer la défiance en confiance, la rivalité en amitié, et pour contribuer à lancer les grands projets aéronautique (Airbus), spatial (Ariane) ou éducatif (Erasmus). C'est cet état d'esprit-là qu'Emmanuel Macron et Angela Merkel doivent retrouver en repensant à ce que disait Victor Hugo : « La France et l'Allemagne sont essentiellement l'Europe. L'Allemagne est le cœur ; la France est la tête. »
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 16 octobre 2019)