Quatre ans après le début de leur déploiement en France, les compteurs électriques communicants Linky suscitent toujours autant de questions, de méfiance et, parfois, de franches oppositions, dans les familles, dans les médias et devant les tribunaux. À deux ans de l'échéance d'installation de 35 millions de ces compteurs vert-jaune, qui doivent permettre à la France, à l'instar d'autres pays européens, de bâtir un réseau électrique performant et de mieux maîtriser la consommation, la polémique n'en finit toujours pas de durer. Ni les explications pourtant nombreuses d'Enedis, ni les études scientifiques ne parviennent à contenir une défiance populaire qui s'est installée durablement et qui pose question sur l'état de notre société.
D'un côté, plusieurs études scientifiques ont montré l'innocuité des compteurs Linky sur la santé humaine et l'absence de lien de causalité entre l'installation d'un compteur et des pathologies attribuées à une hypersensibilité aux champs électromagnétiques. Dernière étude en date, celle de l'Agence nationale des fréquences (ANFR). Mais les arguments des scientifiques, aussi documentés et vérifiables soient-ils, ne semblent plus suffisants aux yeux d'une opinion prise de doutes et marquée par de récents scandales sanitaires qui ont mis à mal le discours des autorités et des politiques… Comme pour les vaccins ou le réchauffement climatique, les scientifiques voient ainsi leur parole sans cesse mise en doute, et les faits précis qu'ils présentent mis sur le même plan que des opinions ; ces dernières étant démultipliées et amplifiées sans retenue sur les réseaux sociaux…
De l'autre côté, des particuliers de bonne foi mais aussi certaines communes saisissent la justice pour empêcher l'installation des compteurs Linky, réalisée parfois à la hussarde par des sous-traitants. Au nom du principe de précaution concernant la santé, ils réclament un moratoire, estimant qu'il faut poursuivre les recherches. Dans plusieurs cas, des tribunaux ont suivi les requérants détenteurs de certificats médicaux, quand d'autres juridictions les ont déboutés, selon que la causalité juridique l'emporte ou non sur la causalité scientifique. Ces jugements qui sèment le trouble s'appuient sur une décision de la Cour de cassation de 2008, selon laquelle une victime peut être indemnisée même sans certitude scientifique.
Après quatre ans de polémiques, peut-on passer de la défiance à la confiance ? Développer un réseau électrique performant indispensable et en même temps tenir compte de la souffrance, réelle, de nombreux Français ? Pour cela il appartient sans doute au gouvernement, comme il avait su le faire en 2009 avec le Grenelle des ondes, d'installer les conditions d'un dialogue transparent qui apporte de la sérénité et des garanties à toutes les parties.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 17 octobre 2019)