Accéder au contenu principal

Principe de réalité

lignetht


L'avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) sur les effets sanitaires liés à l'exposition aux champs électromagnétiques basses fréquences, et plus particulièrement sur les liens potentiels de l'exposition aux champs produits par les lignes à très haute tension et les leucémies des enfants, fera date.

D'abord parce que sur la forme, il montre que les agences, pour peu qu'elles aient le temps et les moyens de mener leurs investigations, en toute indépendance et en étant imperméables aux lobbys, font œuvre utile pour l'intérêt général. Ce rappel est d'autant plus important que le gouvernement a affiché sa volonté de réduire, en les supprimant ou en les fusionnant, les instances, commissions, agences ou opérateurs rattachés au gouvernement qui n'auraient pas « la taille critique », soit 100 emplois. En remettant le travail sur l'ouvrage pour tenir compte des dernières avancées scientifiques, l'Anses a mené un remarquable travail qui lui a permis de confirmer les premières recommandations émises en 2010.

De fait, sur le fond du dossier, l'Anses réitère ce qu'elle disait il y a huit ans sur une « association possible entre l'exposition aux champs électromagnétiques basses fréquences et le risque à long terme de leucémie infantile ». Les chiffres avancés sont clairs : 40 000 enfants sont exposés chez eux et 8 000 sont scolarisés dans une école exposée à un niveau plus élevé que le seuil de 0,4 microteslas. Mais l'Anses va plus loin et fait également des recommandations sur la santé des travailleurs dont certains sont surexposés et sur les femmes enceintes.

Enfin, et surtout, l'Agence affiche sa prudence en rappelant, notamment, que « les études épidémiologiques sont trop hétérogènes pour établir un lien entre l'exposition professionnelle et l'apparition de pathologies chroniques », ou encore que les recherches doivent se poursuivre. Elle définit ainsi un chemin de crête, difficile mais essentiel, sur lequel chacun – et le gouvernement en premier lieu – devrait se retrouver. Entre d'un côté le principe de précaution absolu au nom duquel il faudrait empêcher toute forme de recherche scientifique (sur les OGM par exemple), toute innovation potentielle ; et de l'autre des industriels ou des scientifiques qui réclament d'aller aussi vite que le déploiement à venir de la 5G sans en connaître suffisamment l'impact, il y a un juste milieu qu'on pourrait appeler le principe de réalité. Un principe qui s'articulerait autour d'une meilleure information des populations, de la révision des seuils en fonction des avancées de la recherche, et de la définition de nouveaux cadres réglementaires qui préservent à la fois la santé publique et notre capacité à innover.

À l'heure où la France, patrie de Pasteur, est la championne du monde de la défiance envers les vaccins, où les fake news sur la santé pullulent sur les réseaux sociaux, où les craintes légitimes des Français sont parfois instrumentalisées par des groupuscules, il devient urgent de remettre la science au centre des débats.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 22 juin 2019)

Posts les plus consultés de ce blog

Moine-soldat

Dans le marathon de l’examen de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, le calendrier a marqué une pause ce jeudi à l’occasion de la niche parlementaire du Parti socialiste. Une pause mise à profit par le gouvernement pour aller sur le terrain défendre une réforme toujours massivement rejetée par 7 Français sur 10. À l’avant-veille de la quatrième journée de manifestation appelée par l’intersyndicale, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin se sont ainsi rendus hier à Neuville-en-Ferrain, dans le Nord, Olivier Dussopt à Toulouse, où il a notamment rencontré six lecteurs de La Dépêche du Midi au siège de notre journal pour répondre à leurs questions et leurs inquiétudes. Celui qui enchaîne à un rythme soutenu les interviews dans les matinales et défend depuis lundi son texte devant une Assemblée nationale survoltée s’est montré tel qu’en lui-même : un moine-soldat de la macronie. Moine, parce que le ministre connaît sur le bout des doigts le catéchisme de la réforme, son dogme du r

L'indécence et la dignité

C’est sans doute parce qu’elle avait le souriant visage de l’enfance, cheveux blonds et yeux bleus, parce qu’elle aurait pu être notre fille ou notre nièce, notre petite sœur ou notre cousine, une camarade ou la petite voisine. C’est pour toutes ces raisons que le meurtre barbare de la petite Lola a ému à ce point la France. Voir le destin tragique de cette bientôt adolescente qui avait la vie devant elle basculer à 12 ans dans l’horreur inimaginable d’un crime gratuit a soulevé le cœur de chacune et chacun d’entre nous. Et nous avons tous pensé à ses parents, à sa famille, à ses proches, à ses camarades de classe, à leur incommensurable douleur que notre solidarité bienveillante réconfortera mais n’éteindra pas. Tous ? Non, hélas. Dans les heures qui ont suivi le drame, certains ont instrumentalisé de façon odieuse la mort de cette enfant pour une basse récupération politique au prétexte que la suspecte du meurtre était de nationalité étrangère et visée par une obligation de quitter l

Bien manger

C’est un petit logo qui nous est devenu familier lorsque nous faisons nos courses. Impulsé par un règlement européen (INCO) de 2014, établissant des règles pour informer les consommateurs sur la déclaration nutritionnelle ou la liste des ingrédients d’un produit, le Nutri-Score, ses cinq lettres de A à E et ses cinq couleurs de vert à rouge, est désormais bien ancré dans le paysage. De plus en plus présent sur le devant des emballages, on peut même dire que c’est un succès européen puisqu’il est présent non seulement en France, qui l’a introduit en 2017, mais également en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Espagne et même en Suisse, qui ne fait pourtant pas partie de l’Union européenne. Face à des étiquettes qui livrent la composition des produits écrite en tout petits caractères difficilement lisibles, certains consommateurs s’étaient déjà tournés vers des applications comme Yuka. Avec un smartphone, il suffit alors de scanner le code-barres d’un produit pour en a