Les voitures d'EDF incendiées la semaine dernière à Grenoble sont le nouvel épisode d'un mauvais feuilleton qui dure depuis plusieurs années. Régulièrement, des véhicules de service d'EDF ou d'Enedis, des locaux de sous-traitants mais aussi de gendarmeries, de presse voire des chantiers de projets industriels controversés sont la cible d'attaques, de sabotages et, donc, d'incendies, qui – pour l'heure – n'ont pas fait de blessés. De l'Île-de-France à la région grenobloise, de la Drôme aux Pyrénées-Orientales, du Tarn à l'Ariège, de telles actions violentes sont perpétrées sans que l'on en comprenne tous les tenants et aboutissants. Certaines sont revendiquées par des groupes anarchistes, des collectifs qui clament «beaucoup de rage et quelques flammes», d'autres restent non résolues et s'apparentent plutôt à des actes locaux isolés aux revendications opportunistes. Ces différentes affaires ne sont évidemment pas toutes reliées entre elles, mais leur survenue crée un certain climat auquel les autorités sont très attentives et pour lequel elles affichent une très grande prudence lorsqu'il s'agit d'évoquer, notamment, la mouvance de l'ultra-gauche.
C'est que personne ne veut revivre le fiasco de l'affaire de Tarnac, du nom de ce groupe présenté comme proche de l'ultra-gauche, soupçonné d'être à l'origine de sabotages de lignes SNCF en 2008. Ses membres, dont l'arrestation avait été très médiatisée, notamment par le gouvernement Fillon de l'époque, ont été blanchis dix ans plus tard... Désormais, à l'image du parquet de Grenoble, c'est la retenue qui est de mise.
Pour autant, les actes violents de l'ultra-gauche sont une réalité sur laquelle les services de renseignement travaillent, particulièrement depuis la loi Travail de 2016. Et ces derniers mois, à la faveur du mouvement des Gilets jaunes, sont apparues des violences commises par l'ultra-gauche... comme par l'ultra-droite, cette dernière faisant l'objet d'un rapport parlementaire sur «la lutte contre les groupuscules d'extrême droite en France.» Ces mouvances extrémistes qui s'en prennent souvent aux forces de l'ordre, parfois aux symboles de l'Etat, n'ont heureusement pas basculé dans les actions terroristes comme cela a été le cas en Grèce ou en Italie. Mais ce phénomène appelle une réponse aussi claire que ferme de l'Etat à deux niveaux.
Le premier est évidement de ne rien tolérer de ces actes violents qui s'étendent désormais des ultras vers d'autres mouvements radicaux, écologistes, animalistes ou antispécistes. Rien ne peut justifier ces violences dans notre démocratie.
Le second niveau auquel l'Etat doit scrupuleusement veiller, c'est de permettre justement l'expression de toutes les sensibilités, de toutes les idées. Le mouvement des Gilets jaunes ou le référendum d'initiative partagée (RIP) sur la privatisation d'Aéroports de Paris ont d'ailleurs montré ce besoin d'expression, de démocratie participative des citoyens. Toutes les idées, dans notre démocratie, doivent pouvoir s'exprimer, à la condition expresse que celles-ci s'inscrivent dans le cadre républicain. Dès lors, chacun admettra que débattre vaut mieux que combattre.
(Editorial publié dans La Dépêche du jeudi 27 juin 2019)