Accéder au contenu principal

Cyberguerres

hacker


En va-t-il des guerres comme des révolutions industrielles qui ont cadencé l'histoire moderne des Hommes ? Il y a quelques jours, nous commémorions le 75e anniversaire du Débarquement de Normandie. Cette bataille qui libérera l'Europe du joug nazi se joua dans le fracas de bombardements, de tirs d'artillerie et de fusils. Le fracas des combats, le bruit et la fureur d'armes lourdes, autant dire une guerre visible aux conséquences flagrantes. Le nouvel ordre mondial qui en découla conduisit à un nouveau genre de guerre : la guerre froide, l'escalade de la course aux armements entre le bloc de l'Est et celui de l'Ouest, l'espionnage généralisé dessinant, déjà, un entrelacs d'intérêts opaques, d'enjeux géostratégiques masqués dont le grand public ignora souvent les tenants et aboutissants. La chute du Mur de Berlin, la fin du bloc soviétique sera alors le théâtre d'un troisième type de guerre, potentiellement aussi violente que pouvaient l'être les combats de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi secrète que pouvait l'être l'affrontement entre l'Est et l'Ouest : la cyberguerre.

Cette guerre numérique est d'autant plus complexe à approcher et à concevoir qu'elle mobilise tout un aréopage d'acteurs qui dépasse les seuls militaires : hackers, mercenaires digitaux, services secrets, officines diverses. Tous évoluent sur l'immense terrain des réseaux informatiques entre notre internet en surface et un colossal «dark web» en profondeur. Jusqu'à présent, les pirates n'étaient essentiellement motivés que par des buts mercantiles, escroquant ici des particuliers naïfs, rançonnant là des entreprises mal préparées. Mais depuis une dizaine d'années, ce sont les états qui sont de plus en plus visés par ces cyber menaces. Et ces attaques peuvent avoir des conséquences très graves sur le fonctionnement de nos sociétés de plus en plus numérisées et sur l'architecture même des démocraties qui peuvent être déstabilisées. Hôpitaux, centrales nucléaires, réseaux informatiques vitaux… les cibles sont de plus en plus nombreuses, les attaques de plus en plus sophistiquées.

Pour y faire face, il existe trois leviers d'action. Le premier, c'est la réponse des états bien sûr. Le renforcement des services de sécurité informatique, la création de nouvelles forces militaires au sein des armées, la coopération entre nations face à des cyber menaces qui se jouent des frontières, et bien sûr l'entraînement régulier de tous via des simulations à grande échelle est un premier levier qui se concrétise, mais qui doit éviter l'écueil de la surveillance de masse attentatoire aux libertés.

Le second concerne les entreprises du numérique qui doivent chasser au maximum les bugs de leurs infrastructures.

Enfin, le troisième levier concerne chacun d'entre nous, utilisateurs d'ordinateurs ou de smartphones connectés. La compréhension des réseaux informatiques, d'Internet, l'importance des bons comportements pour sécuriser ses donnés ou sa box et la connaissance des bons gestes sont un levier important contre les piratages. Plus que la formation au code informatique à l'école, c'est bien cette compréhension du monde numérique et ses règles qui doivent être enseignées et diffusées. Car l'erreur humaine constitue très souvent une faille fatale…

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 29 juin 2019)

Posts les plus consultés de ce blog

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

Vaccin et vigilance

La résurgence de la coqueluche en France comme ailleurs en Europe a de quoi inquiéter. En France depuis le début de l’année, un total provisoire de 28 décès a été rapporté à Santé Publique France, dont 20 enfants (18 de moins de 1 an) et 8 adultes (de 51 à 86 ans mais dont la coqueluche n’était pas indiquée comme première cause de décès). La circulation de la bactérie Bordetella pertussis, principale cause de la coqueluche, est si importante que les autorités s’attendent à de nouveaux cas à venir dans les prochains mois. Car la coqueluche est extrêmement contagieuse, une personne contaminée pouvant transmettre la maladie à 15 autres en moyenne… Et si elle a longtemps été considérée comme une maladie de la petite enfance, elle peut être sévère à tous les âges, voire mortelle pour les nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées. Ce n’est pas la première fois que l’on est confronté à une résurgence de la coqu...

En marche

    Depuis douze siècles des pèlerins convergent vers Saint-Jacques-de-Compostelle qui, avec Jérusalem et Rome, est l’un des lieux des trois grands pèlerinages de la Chrétienté. Mais ceux qui marchent aujourd’hui sur les chemins de Compostelle ne le font pas seulement au nom de leur foi et n’arrivent pas forcément à la destination finale en Espagne. Les pèlerins du XXI e  siècle ne font souvent qu’une partie seulement de l’itinéraire millénaire avec des motivations bien plus diverses. Passionnés de randonnée pédestre, amoureux des paysages ou des monuments qui jalonnent le parcours désormais bien balisé et en partie classé au patrimoine mondial de l’Unesco, certains cheminent seuls, en couple ou en groupe pour accomplir une promesse personnelle, honorer un proche, rencontrer d’autres pèlerins de toutes nationalités ou tout simplement pour se retrouver soi-même. Car la marche est bonne pour le corps et l’esprit. « Les seules pensées valables viennent en marchant...