La nuit dernière, les pompiers de Béthune, appelés pour un enfant en détresse respiratoire, se sont retrouvés victimes, sitôt arrivés sur place, de violences et de jets de projectiles (cendriers, ciseaux, couteaux…) les contraignant à prendre la fuite en abandonnant du matériel. À 48 heures d'un préavis de grève des quelque 40 000 pompiers professionnels, ce grave incident illustre, mieux que de longs discours, les nouvelles difficultés auxquelles peuvent faire face les soldats du feu, dont ces scandaleuses attaques. Ces violences restent relativement rares – c'est heureux – mais elles sont en constante augmentation : +23 % en 2017, après une hausse de 17,6 % en 2016, ce qui représente tout de même 2 813 pompiers agressés…
Ces agressions illustrent non seulement les difficultés pour les pompiers à remplir leur mission de secours mais aussi combien ces missions ont évolué au fil des ans. De l'urgence à intervenir pour sauver des vies, on est passé à des interventions qui ne nécessitent parfois même pas de gestes de secours et relèvent bien souvent davantage de la médecine de ville voire des services sociaux. C'est que les pompiers sont devenus l'ultime recours pour une partie de la population, constituée de tous ceux qui sont en grande détresse sociale, mais aussi de ceux qui se sentent trop éloignés de services publics ou de services d'urgences eux-mêmes en difficulté.
La conséquence de cette évolution des missions est le risque de la désaffection, de la diminution des vocations, particulièrement en zone rurale. La question du recrutement avait déjà été posée en septembre dernier pour les pompiers volontaires qui représentent 80 % des effectifs.
Lors du 125e congrès des sapeurs-pompiers à Bourg-en-Bresse, le gouvernement via le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, avait alors lancé un «plan d'action» pour relancer le volontariat en stagnation depuis plusieurs années, plan qui succédait à un «engagement national» pris par François Hollande en 2013… 37 mesures plutôt bien accueillies avaient été déclinées et seront mises en place d'ici 2021. Nécessaires, mais insuffisantes au vu de l'urgence.
Car les difficultés que rencontrent les pompiers doivent mobiliser toute la société. L'État, les collectivités territoriales, les entreprises et les citoyens. Il ne suffit plus de louer le professionnalisme, la bravoure, le sens du devoir et de l'intérêt général – bien réels – et parfois le sens du sacrifice des pompiers de France comme on l'a fait, par exemple, lors de l'incendie de Notre-Dame de Paris. Il faut maintenant un élan national, autant humain que financier, qui soit à la hauteur de la reconnaissance que les Français doivent aux pompiers.
En somme, pour reprendre la devise des sapeurs-pompiers, que «courage et dévouement» soient, de manière réciproque, aussi ceux des Français envers leurs pompiers.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 25 juin 2019)